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Contraints par la misère : Les élèves de Ouaké en aventure dans les pays limitrophes (Les parents d’élèves, impuissants)
mardi 11 mai 2010, par
Comment retenir les élèves à l’école quand leurs parents se trouvent incapables de mettre à leur disposition les moyens adéquats pour les études jusqu’à terme ?
Que faire quand des pères et mères se trouvent obligés d’assumer leurs responsabilités conjugales à côté de leurs études ? Dans ces conditions, les apprenants de Ouaké (département de la Donga) ne cherchent pas loin la solution à leur problème.
Ils accueillent la proximité de leur région avec le Nigeria et le Niger comme une bénédiction et n’hésitent pas à aller en aventure, les garçons comme ouvriers dans les plantations et les filles comme ménagères. Résultat : les effectifs décroissent toujours à la fin de l’année scolaire.
« Quand tu vois une maison un peu bien construite en dur avec une toiture en tôle ou de nouvelles motos chinoises ici, il faut savoir que c’est l’œuvre des aventuriers revenus du Nigeria, du Niger ou parfois de Cotonou  », déclare un jeune homme du village de Badjoudé à Ouaké.
Ainsi les jeunes trouvent impossible de réussir leur vie tout en demeurant dans leur localité qu’ils estiment défavorable à tout projet porteur.
Si « la terre ne ment pas  », comme on le dit, celle de Badjoudé particulièrement semble ne plus répondre aux sollicitations de ceux qu’elle est censée nourrir. « Pour espérer tirer quelque chose de notre sol, il faut lui mélanger des tonnes d’engrais. Ainsi on ne peut pas produire assez jusqu’à prétendre vendre sa récolte », explique le paysan Ali. « Au moins l’élevage marche chez nous. Mais paradoxalement rares sont ceux qui y prospèrent dans notre village car quand on s’y lance, on ne sait d’où vient la peste pour décimer tout le bétail. La sorcellerie en est pour quelque chose.  », se désole un autre.
Et les microcrédits aux plus pauvres ne leur parviennent-ils pas pour les aider ? Un chef de famille répond : « Quand nos femmes prennent les 30000Fcfa, que peuvent-elles faire avec ? C’est vrai que c’est beaucoup, mais quelle activité mener avec ces sous ? Elles ne s’en servent que pour résoudre des problèmes de foyer et c’est fini. Car les gens dans le village n’achètent pas parce qu’ils n’ont pas d’argent ?  » Voilà le triste tableau social du village Badjoudé à Ouaké. Un tableau qui n’est que le prototype de la plupart des villages de cette région. Alors, où trouver de l’argent pour payer la scolarité des enfants et supporter les frais de fournitures scolaires, des photocopies et autres ? Et si dans cette situation, une fille tombe enceinte ou un garçon engrosse une fille, c’est la catastrophe. Les uns et les autres n’hésitent pas à se rendre au Nigeria ou au Niger à la recherche d’une vie meilleure.
Mais certains n’attendent pas d’être à ce point avant de s’échapper. Un ami revenu de l’aventure avec une moto suffit à séduire les autres qui décident d’aller tenter aussi leur chance. Tant pis pour l’école où on est obligé de suivre les cours, affamés et sans matériels de travail.
Et les filles-mères qui persévèrent ?
La plupart des filles retrouvées à l’école portent un pagne sur leur robe kaki. Pour en connaître la raison, nous avons interrogé le surveillant général du CEG Dompago, Comlan Patado. Ce dernier déclare : « Les élèves filles sont pour la plupart en pagne parce qu’elles sont soit enceintes, soit déjà mariées. Celles qui ne sont pas en pagne sont des élèves en classe de 6ème.
On n’a pas le choix, on les accepte. Certaines viennent nous demander la permission pour s’occuper de leur enfant qui serait malade. Nous acceptons. Ce sont les réalités de chez nous. Il vaut mieux avoir des élèves mères que de n’en avoir pas du tout. Sinon que dire à ceux qui s’enfuient dans les pays limitrophes ?  »
On voit ainsi que le programme « Toutes les filles à l’école  » a encore du chemin à faire.
C. D.