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Polygamie au Bénin : Les femmes accusent et dénoncent

lundi 23 novembre 2009, par Dignité Féminine

Malgré les conséquences fâcheuses de la polygamie sur la vie des femmes, des enfants, ou des hommes en général, elle croît aujourd’hui àun rythme inquiétant. Comment les femmes vivent-elles ce phénomène de la polygamie dans nos sociétés ?

Pleurs, cris de détresse, désespoir. Ce sont làles mots qui reviennent souvent de la bouche des femmes que nous avons interrogées et qui vivent cette situation dans notre pays. Si àentendre ces dames, la polygamie doit être bannie de la société, certaines femmes conçoivent et vivent la chose àleur manière sans trop se plaindre.

Les inconvénients de ce phénomène ne sont pas assez pour émousser l’ardeur de ces dernières, préférant avoir un homme polygame que de rester célibataires àvie. Si c’est parfois de façon accidentelle que d’autres se retrouvent dans des foyers polygames, il y en a qui choisissent délibérément d’être 2ème, 3ème, 4ème ou 5ème femme dans des foyers.

Pour la plupart, elles ne réclament qu’un minimum : avoir leur chambre ailleurs pour éviter des quiproquos avec leurs coépouses. Pourquoi ce choix plus ou moins paradoxal ?

« Vive la polygamie ! A bas la polygamie ! » Voilàle contraste social auquel peut se résumer la complexité de la question de la polygamie. Les hommes sont toujours tenus pour responsables de cette situation qui n’arrangerait ni les femmes ni les progénitures. Mais entre les discours intello-féministes décriant le fait et la réalité sur le terrain, il y a un fossé.
A partir des confidences reçues de quelques femmes n’ayant éprouvé parfois aucune gêne àépouser des hommes déjàmariés, on pourrait clamer avec Jésus-Christ dans les Saintes Ecritures : « que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre àces femmes  ». C.F., secrétaire de direction, est en effet la deuxième épouse de son mari et vit avec sa petite fille. Son mari vient passer souvent les week-ends chez elle, étant partagé entre deux foyers.

C. F. dit qu’elle était en fiançailles avec son homme quand celui ci engrossa une autre femme. Quand il lui a fait son mea culpa, elle a fait un peu de tapage en son temps. Mais après mà»re réflexion, elle n’a pu abandonner celui qu’elle venait de passer cinq ans àétudier en vue d’une vie commune harmonieuse.

Ce serait difficile, dit-elle, de l’abandonner pour se mettre àchercher un homme idéal qu’elle ne trouverait pas, car, précise-t-elle : « les jeunes d’aujourd’hui sont prêts às’amuser avec vous pour satisfaire leur libido ; mais àvouloir parler de mariage avec eux, ils ne manquent pas de prétextes pour disparaître sans laisser de trace.  » Est-ce donc par contrainte que C. F. vit avec un homme déjàmarié ? On peut sans doute l’affirmer en trouvant que c’est un cas particulier. Hélas ! Tout comme C. F., toutes les femmes se trouvant dans cette position de l’une des épouses d’un homme ont chacune leurs raisons.

La polygamie : source de liberté pour les femmes ?

Le constat est que certaines femmes se plaisent àrester dans des foyers parce que cela leur procure un peu plus de liberté. En témoigne cette anecdote récente d’un jeune homme qui serait peut-être encore en train d’être harcelé par une dame voulant faire de lui son amant. Celle-ci confiait en effet au jeune homme que son mari dont elle est la deuxième épouse ne vient chez elle que deux fois par semaine parce qu’il doit parcourir trois foyers ; et que cela fait trois ans qu’il ne l’a plus « touchée  ».

Cependant, elle ne manquerait de rien sur le plan matériel, son époux étant un militaire. Mais elle aurait besoin de quelqu’un comme amant. Ceci montre qu’elle serait libre de faire tout ce qu’elle voudrait àl’insu de son mari qui n’a pas qu’elle àgérer. Bonjour alors l’infidélité conjugale ! Et ces cas sont légion. De là, la polygamie ne devient-elle pas un mal nécessaire pour les femmes qui veulent garder leur liberté même au foyer ? Dans ce cas, on ne demande qu’une chose àson mari : satisfaire ses besoins matériels et ceux des enfants.

Apres trois, quatre ou cinq déboires amoureux, il faut savoir s’arrêter

D’après ce que nous confie ‘’Maman J’’, elle est la deuxième femme de son époux qui vient de prendre une troisième. Elle venait d’essuyer son cinquième échec avec un petit garçon sur les bras dans sa recherche de l’homme de sa vie quand elle a rencontré un directeur d’école –son actuel mari. Ce qui l’aurait convaincue àlui faire confiance serait la franchise de celui-ci dès le départ. Il ne lui aurait pas caché, en effet, qu’il vivait avec une femme et quatre enfants.

Et elle qui traînait un garçon àelle abandonné par un « irresponsable  », n’avait pas exigé grand’chose en son temps : que son directeur d’école l’installe ailleurs loin de son premier foyer. C’est sur ce compromis que les deux se seraient entendus. Et ‘’Maman J’’ qui n’avait besoin que de quelqu’un pour l’aider às’occuper de son enfant, assure qu’elle fait tout pour ne pas causer de tort àsa coépouse qui a dà» s’habituer àelle.

Aujourd’hui, elle a déjàfait deux enfants àl’homme. Ce qui lui fait trois enfants. Malgré l’avènement de la troisième femme de l’homme, ‘’Maman J’’ dit ne manquer de rien. Et elle ne demande certainement pas mieux. C’est comme cela qu’elle a su arrêter la liste de ceux qui ne lui causaient que frustrations et déceptions.

Pas de candidats au mariage ou pas de candidats jeunes au mariage ?

On se plaît souvent àdire qu’il n’y a pas d’hommes qui veuillent s’engager àla vie conjugale. Mais àentendre les femmes, ce sont plutôt les jeunes hommes qui sont réticents au mariage. Ce qui constitue un facteur majeur favorisant la polygamie. Si les femmes voulant se marier ne trouvent pas d’hommes célibataires disposés àle faire avec elles, doivent-elles se résoudre au célibat ?

Assurément non, surtout àcause de tous les préjugés sociaux qui pèsent sur le célibat féminin au Bénin et en Afrique en général. Alors, l’alternative est vite trouvée : se rabattre sur les hommes déjàmariés. Le célèbre artiste chanteur béninois, Sagbohan Danialou, a beau chanter en faveur des femmes mariées son « laissez-moi mon mari  », il faudrait aussi que les autres femmes trouvent de maris. Et parallèlement àla loi de l’économie de marché, quand la demande du côté des femmes est plus forte, voire surabondante que l’offre chez les jeunes gens en matière de mariage, le résultat ne peut s’appeler que « polygamie  ».

Certes, toutes les jeunes filles interviewées par votre rédaction refusent mordicus d’accepter que leurs futurs époux soient polygames. Réaction légitime, sans doute. Mais les femmes vivant déjàla chose n’en rient que trop quand elles dissent qu’elles n’ont pas été moins allergiques àcette idée quand elles étaient jeunes. Comme quoi, « on n’est meilleur joueur qu’àla touche de l’aire de jeu.  » Et la romancière bénino-sénégalaise, Ken Bugul, ne dirait certainement pas le contraire.

Entre son premier roman, Le baobab fou, dans lequel elle montre les inconvénients de la polygamie, surtout sur les enfants, et son Riwan ou le chemin de sable, elle a fait un chemin qui lui a permis d’appréhender le problème avec un esprit mature. La narratrice de ce dernier roman, aussi intellectuelle soit-elle, après avoir traversé plusieurs cultures occidentales, ne s’est-elle pas résolue àretourner au bercail dans son Sénégal natal pour s’ajouter en toute conscience àla trentaine d’épouses d’un notable ?

Ceci parce qu’elle était àla quête d’une sécurité qu’elle ne pourrait trouver qu’auprès d’un homme plus âgé qu’elle et déjàmarié, pouvant lui donner des conseils fiables, fruits de ses expériences de vie. Ainsi, que la polygamie soit vécue comme une fatalité pour certaines femmes ou comme une panacée pour d’autres, tout le monde en est coupable ou complice. Seulement, quand la perversité humaine se mêle àla chose, elle devient ingérable et tout le monde en sort perdant d’une manière ou d’une autre.

Certaines femmes accusent et dénoncent

La polygamie reste l’une des causes des problèmes qui surviennent dans les couples. Selon le dictionnaire, la polygamie est le fait d’un homme ayant plusieurs femmes. Madame Tonon, mariée et mère de quatre enfants, vit depuis 15 ans, cette situation. Selon elle, la polygamie humilie la femme. Elle l’humilie, en ce sens que la femme, être sensible, n’a jamais voulu partager avec une autre son homme qu’elle aime profondément. Même si la bible prescrit que l’homme et la femme doivent quitter leurs familles respectives et ensemble former une seule chair, cette allégorie n’est pas partagée par tout le monde.

A en croire madame Tonon, depuis que son homme a pris la seconde femme, c’est pour elle un choc psychologique. Et ce choc l’a amené jusqu’aujourd’hui àperdre le sens de l’amour. Actuellement, elle est mariée, mais c’est tout comme si elle ne l’est pas. Depuis ce temps elle se sent ignorée, même haïe par son mari. « Il est toujours absent àla maison, on ne le trouve jamais chaque fois qu’on a besoin de lui, ou bien, s’il apparaît, sa visite se termine toujours par des discussions vaines, ou des fois par des bagarres  » ajoute-t-elle. Elle se sent plus humiliée car aujourd’hui elle n’a ni valeur, ni paix du cÅ“ur. L’éducation des enfants pose problème car seule, elle n’y arrive pas.

Madame GBEFFA, subissant également les affres de la polygamie, abonde dans le même sens que madame Tonon. A ses yeux, c’est àcause de cette vie de polygamie que son homme n’arrive plus àsatisfaire convenablement ses besoins, tant sur le plan financier que sur le plan des relations sexuelles. A en croire madame GBEFFA, depuis qu’elle a des coépouses, elle a honte et horreur de confier ses impressions àses semblables. Elle est tentée des fois de chercher des voies de satisfaction, car étant sentimentale, elle manque d’affection qui devait être en réalité le socle en amour.

Elle va jusqu’àdire qu’elle a des amies qui vivent la même situation qu’elle, et qui n’hésitent pas àaller voir ailleurs. Aujourd’hui, mère de deux garçons, elle a envie de divorcer pour aller chercher mieux ailleurs, afin de sauver l’avenir de sa progéniture .Même si on admet que les deux premières dames sont des chrétiennes, quelle est alors la réalité chez les musulmans en matière de polygamie ?

Faousath ASSANI est musulmane et vit aussi la polygamie. Elle devait être en réalité heureuse, car la tradition musulmane permet la polygamie, mais àcondition que vous ayez les moyens de supporter le nombre de femmes que vous avez. Seulement, a-t-elle confié, le vrai problème chez elle est que son homme a pris une seconde femme qui est chrétienne. N’étant habituée aux réalités musulmanes, elle ne fait que des crises de jalousie. Aujourd’hui, Faousath n’est plus avec son mari...

Quant àmadame Brun, moins sensible sans doute, que les autres, elle se dit habituée àcette vie de polygamie, car elle a été éduquée dans une famille polygame. Ce qu’elle déplore par contre est que grâce àcette vie de polygamie, ses enfants ont presque manqué le rendez-vous de l’éducation. Ce désaccord existant dans le foyer empêche l’unanimité sur l’éducation des enfants. Cet état de chose est dà» àun manque de moyens matériels. Les besoins vitaux des enfants sont mal satisfaits. Ce qui fait que les enfants sont livrés àeux même.

Chacun d’eux fait àsa tête. L’année dernière par exemple, son garçon aîné a disparu de la maison pendant six mois, et finalement, il a été retrouvé dans un marché àPorto-Novo. Tout ceci àcause des divergences qui existent entre son mari et elle. Dans cette condition, les enfants sont oubliés, or, l’affection conjuguée du père et de la mère est une chose primordiale qui influence sur l’éducation des enfants. Les enfants manquent de cette affection et ne sont plus moralement au point. Alors la polygamie est àla base de la dévalorisation de la femme, et la compromission des enfants.

Colbert DOSSA et Hermann HOUMASSE

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