Le secrétariat, l’autre métier de contrainte pour les femmes : Les abus des employeurs répugnent les femmes et menacent la filière

Ce sont les témoignages de quelques secrétaires rencontrées dans la ville de Cotonou. Des contraintes qui, àles entendre, font disparaître lentement la filière de secrétariat, car, àcause de ces différentes difficultés, bon nombre de parents d’élèves n’aiment plus orienter leurs filles vers ce secteur. Constat avéré et confirmé par quelques promoteurs d’écoles qui regrettent aujourd’hui la disparition pure et simple de cette filière technique ‘‘G1’’ qui était, entre temps, un métier d’avenir.

 Olga Vitou, Secrétaire de direction

« La secrétaire de direction, comme l’indique si bien le nom, c’est quelqu’un qui est chargé de garder les secrets d’une administration. La secrétaire est avant tout un élément clé du bon fonctionnement d’une entreprise. Moi, particulièrement, je n’ai pas fait une formation en secrétariat, même si aujourd’hui j’occupe ce poste que j’exerce avec beaucoup de plaisir. J’ai peut être particulièrement la chance de tomber sur un patron responsable et courtois qui me considère comme une sÅ“ur, même si des fois, il se montre un peu rigoureux et exigeant.

Je n’ai pas eu donc la malchance de tomber sur un patron avec qui chaque jour, c’est des problèmes de mésentente et même de harcèlement. Ce que je déplore est la sortie tardive du bureau chaque jour. C’est vrai qu’aujourd’hui, je ne suis pas encore mariée, mais je me demande si mon conjoint pourra accepter demain àce que je sorte du service àune heure tardive ? Dans cette condition, comment vais-je accomplir mes devoirs de ménage ? Voila autant de préoccupations qui me feront tôt ou tard quitter le métier. Je crois que ce sont des difficultés qu’on rencontre, comme dans tous métiers d’ailleurs. Je voudrais exhorter mes collègues àaimer leur travail, l’exercer correctement, car seul le travail bien fait compte.  »

 Huguette Hounouvi, Secrétaire d’entreprise

‘’La secrétaire est celle qui s’occupe de l’organisation et du fonctionnement d’une entreprise. Moi, j’ai fait une formation en secrétariat depuis 9 ans. Je vous assure que c’est la première fois que je fais plus de deux ans dans une entreprise, car finalement, j’ai trouvé un patron qui sait ce qu’il cherche et qui se montre responsable. Avant, je faisais au plus trois mois dans une entreprise tout simplement parce que j’aime sauver ma dignité. Vous êtes secrétaire, donc forcément, vous devez être plus proche du patron qui profite de cette aubaine pour vous harceler. Quelques jours après votre embauche, démarrent des scènes horribles.

D’abord, vous êtes la dernière personne àquitter le service, même si vous ne faites plus rien. Après, c’est le patron qui demande àvous déposer àla maison, àprendre un pot avec vous, ou carrément vous demande tout ce qui sort du cadre professionnel. Malheur àvous si vous résistez àses doléances ; désormais vos rendements seront insatisfaits malgré leurs qualités. Vous serez obligé vous-même de céder ou de démissionner, ce que j’ai fait pendant des années après ma formation. Je crois qu’il y a assez de secrétaires qui vivent de pareilles scènes dans nos différentes entreprises.

C’est horrible. Je voudrais dire àcelles làde rester sereines et de bien faire le travail, car des fois, c’est quand le patron constate que vous n’êtes pas compétente qu’il se lance dans cette aventure. Alors, le travail bien fait d’abord, et il ne faut jamais se laisser faire, car la femme est digne et doit toujours garder sa dignité. C’est ce que j’ai pu éviter pendant des années, mais aujourd’hui, je rends grâce àDieu, même si tout n’est pas rose, au moins j’exerce mon travail avec beaucoup de sérénité et de quiétude.  »

 Sandra Sonou, Secrétaire

« La secrétaire, c’est celle-làqui est capable d’assurer la rédaction du courrier, de répondre aux communications téléphoniques pour le compte du patron. Elle est aussi des fois àl’accueil et c’est justement pour cette raison qu’elle reste toutes les fois présentable. Ce fait, amène donc le patron àprofiter. C’est normal car après tout c’est un homme qui a tous ses sens en place.

Cependant, ce qui leur échappe, c’est qu’ils doivent se ressaisir quand celles qu’ils courtisent s’opposent àleurs doléances. Ils doivent en réalité prendre cela sportivement au lieu de chercher àforcer la main àleurs secrétaires qui ne sont rien d’autre que leurs sœurs, leurs épouses et des fois leurs mères. Moi, peut-être, je n’ai pas eu cette malchance car juste après ma formation, j’ai décidé de travailler avec mon époux.

Ce qui fait que je suis épargnée de ces ‘’homicides’’, je rentre tôt car lui-même sait qu’en tant que mère de famille, j’ai des obligations àla maison. Je crois que c’est des choses du genre qu’il faut ànos sÅ“urs. Après votre formation, soit vous créez votre propre entreprise, soit vous vous faites engager àla fonction publique et là, vous êtes àl’abri de ces vices.  »

 Charlotte de-Souza, Secrétaire

« Pour moi, la secrétaire, c’est le maillon le plus important d’une entreprise. Elle est au cÅ“ur de toutes les actions de la société. Moi, depuis mon enfance, j’ai la passion pour le secrétariat. Heureusement après ma formation, j’ai pu trouver un endroit où je suis àl’abri de ces dangers. La secrétaire n’est ni l’épouse, ni la maîtresse des patrons. Que ceux-ci cessent alors ces aberrations qui en réalité arrièrent leurs entreprises.

Le secrétariat est comme tous les autres métiers, alors je voudrais exhorter aussi les uns et les autres àconsidérer le métier de secrétaire comme un métier noble. Car de temps en temps on ne se lasse pas d’entendre que la secrétaire est ceci ou cela. Ce qui fait aujourd’hui que les hommes fuient les femmes secrétaires, surtout quand ils entendent que vous exercez cette fonction. J’attire l’attention de mes sœurs qui vivent cette situation. C’est leur réputation qui est en jeu. Lorsque la pression d’un patron d’entreprise les dépasserait, qu’elles n’hésitent pas àclaquer la porte. Il faut désormais donner àces patrons de leçons.

Réactions des promoteurs d’écoles

 Mathurin Défodji, Directeur des études du collège ‘’Clé de la Réussite’’

« La série G1 va de plus en plus vers son déclin. Chez nous, le constat est amer, car chaque année, l’effectif de cette série scientifique régresse. Aujourd’hui, si vous faites un tour dans les filières G1 de notre établissement, c’est plus qu’un désert. A un moment donné, nous, responsables, nous sommes arrêtés pour nous poser des questions car la situation devient de plus en plus écoeurante.

Après quelques enquêtes, nous avions appris que certains parents n’aimeraient plus inscrire leurs enfants dans ces filières tout simplement parce que l’après formation ou l’insertion professionnelle leur serait difficile. Certaines d’entre elles ont estimé que la femme secrétaire ne trouve plus de mari et qu’il y a d’autres difficultés qui entravent la corporation. Nous, nous exhortons alors l’Etat central àprendre ses responsabilités, dans le cas contraire et àl’allure où vont les choses, d’ici dix ans, le Bénin manquera des secrétaires dignes du nom.  »

 Fréjus Adjou, ‘’Directeur des études SOS culture’’

« La situation au niveau de la série G1 est criarde. Cette année particulièrement, notre structure est obligée de suspendre la série G1 tout simplement parce que nous n’avons enregistré aucun inscrit dans cette filière contrairement aux années antérieures.

En dehors du fait que leur insertion professionnelle soit difficile, il y a également le fait qu’elles sont mal vues car depuis longtemps, on a toujours pris les femmes secrétaires comme « les tireuses de mari  », et même des écrivains Béninois ont écrit des Å“uvres pour dénoncer le coté négatif des secrétaires. Aujourd’hui, ces rumeurs et les caractères de certains patrons d’entreprises font que cette filière meurt de jour en jour ou ceux qui y sont actuellement exercent cette profession sans conviction.

C’est déplorable car le secrétariat est toujours utile et nécessaire dans la vie d’une administration. Et celles qui vont s’auto proclamer secrétaires sans aucune formation auront du mal àl’exercer. Je voudrais prier les dirigeants de ce pays de trouver des solutions afin de remédier sur cet état de chose. »

 Olympe Abégnonhou, ‘’ Censeur de collège Exelcior’’

« C’est réel, ces derniers temps, on constate une certaine réticence des parents àinscrire leurs filles en G1. Même si on admet que c’est parce qu’elles rencontrent des difficultés après leur formation, il faut noter que ces difficultés ne datent pas d’aujourd’hui. Mais il fait comprendre que le problème a commencé depuis l’avènement de l’informatique où on confond les opérateurs de saisie et des secrétaires.

Après deux ou trois mois de formation en opération de saisie, on se prend pour secrétaire. Or, pour devenir secrétaire, il faut une formation digne du nom et après des années. L’employeur aussi tombe dans ces pièges, et prend une opératrice de saisie pour une secrétaire, par ignorance. Il faut que l’Etat organise des séminaires pour éclairer les uns et les autres sur la différence qu’il y a entre une opératrice de saisie et une secrétaire. L’écart est tellement large.  »

Hermann HOUMMASSE