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Tragiques destins de nourrissons : Quelles solutions au phénomène des abandons de bébés ?

dimanche 18 mai 2008, par Dignité Féminine

Les abandons de bébés dans la nature tendent àdevenir fréquents dans bon nombre d’agglomérations au Bénin, même s’ils suscitent toujours l’indignation. Mais au-delàde l’indignation, des réflexions et réponses spécifiques s’imposent sur cette crise des valeurs.

Un bébé de sexe masculin, âgé de quelques heures seulement a été retrouvé emballé dans un sac de jute jeté dans la brousse, àTankpè, une localité de la commune d’Abomey-Calavi, le samedi 9 mai 2009. Les vagissements du nouveau-né mouillé par la pluie et grelottant ont attiré l’attention d’un conducteur de taxi moto Zémidjan qui passait tout près. Avec l’aide d’autres passants et d’une habitante du voisinage, le bébé a été localisé dans la brousse, retiré du sac, lavé et convenablement habillé. La police, appelée sur les lieux, l’a récupéré par la suite.
La station de télévision qui a rapporté les images a montré l’indignation et les récriminations de la foule accourue aux nouvelles. Se débarrasser d’un nouveau-né sur des tas d’ordures ou dans la brousse n’est ni plus ni moins qu’un acte criminel et donc répréhensible. Mais le drame est qu’on assiste de plus en plus, que ce soit àCotonou ou dans d’autres localités du Bénin, àun développement du phénomène d’abandon de bébés dans la nature, retrouvés vivants ou morts, si ce n’est pas dans des fosses septiques que ces nouveau nés sont jetés. Ces actes, certes, ne peuvent pas se justifier et certaines personnes qui s’en sont rendues coupables sont en cours de jugement actuellement devant des tribunaux. Mais ils constituent un indicateur de la crise des valeurs au sein des familles et de l’absence de réponses spécifiques de la part des services d’assistance et de protection sociale au Bénin.

Prévenir et gérer la déviance
Se débarrasser d’un nouveau-né en le jetant dans la nature suppose que sa grossesse a été vécue pendant 9 mois comme un malheur, un problème. On peut donc imaginer que c’est une grossesse survenue « Â par accident  » comme cela se dit vulgairement et portée dans la clandestinité, la honte, l’abandon et l’isolement social, le conflit, la souffrance psychologique, le dénuement matériel ou l’indigence.
Tout porte àcroire qu’en franchissant le pas de l’abandon de nouveau-nés dans la nature, les personnes en situation n’ont pas trouvé la solution appropriée àleur détresse dans leur cadre de vie. Selon le docteur Olivier Capo Chichi, médecin et sociologue anthropologue, « Â dans le contexte africain en général et béninois en particulier, la première des richesses, c’est l’homme. Une grande importance est accordée àl’enfant et des expressions telles que Vidolé, Vignilé : l’enfant est une richesse, un bien suprême ou Vignon : l’enfant est une bonne chose, en rendent bien compte. On ne peut donc pas concevoir que l’enfant mis au monde puisse être jeté. »

Toujours du point de vue de ce spécialiste des sciences humaines et sociales, aucune femme ne se résout facilement àjeter son bébé. Si cela intervient, c’est un grand cri de détresse qui interpelle toute la société. « Â Le groupe social accompagne la femme en état de grossesse et l’enfant qui naît est entouré, protégé, car c’est d’abord et avant tout, l’enfant de la famille et du village. L’abandon de nouveau-nés est donc beaucoup plus un phénomène urbain ; c’est la montée de l’individualisme. »

De l’avis du docteur Ch. H., intervenant dans une formation sanitaire àMènontin àCotonou, l’abandon de bébés dans la nature n’est que la partie visible de l’iceberg. « Â Bon nombre de femmes qui contractent des grossesses dites par accident, recourent d’abord activement àl’avortement clandestin. Des avortements pratiqués où et dans quelles conditions ? C’est une question pénible, puisque les dégâts sont nombreux : décès, perforation de l’utérus, stérilité, etc. Alors, que dit la législation sur l’avortement ? C’est un sujet àpolémique. Mais le silence et l’inaction ne sont pas des solutions qui nous mettront àl’abri des drames.  »

En matière de législation sur ce phénomène d’abandons de bébés dans la nature, les députés sont donc interpellés. Dans ce sillage, une autre question qui effleure est de savoir par exemple si le Parlement béninois ne pourrait pas initier et voter une loi sur les naissances sous anonymat ou sous X dans des centres de santé publics, comme il en existe ailleurs ? Sans pour autant qu’une telle démarche soit du suivisme, elle peut être une issue pour les personnes en détresse et une plus grande sécurité pour les nouveau-nés concernés.

Un autre aspect de la réflexion est de savoir s’il ne faudrait pas formaliser l’existence de crèches devant les orphelinats, pour que les personnes qu’on image en situation de détresse, puissent y déposer leurs nouveau-nés en tout anonymat et sécuriser ainsi la vie de ces âmes innocentes qui auraient pu se retrouver jetées dans la broussaille ? Face àla recrudescence du phénomène qui traduit bien une crise de société, le débat mérite bien d’être ouvert et mené avec courage et responsabilité.

Une autre responsabilité àprendre par l’Etat et les Organisations de la société civile (OSC), en termes de prévention, c’est d’initier et d’appliquer de réels programmes d’éducation sexuelle en direction des adolescents et des adultes. Cette démarche aura le mérite de sortir l’expression ‘’éducation sexuelle’’ du tabou qu’elle représente pour beaucoup et d’aller au-delàdes campagnes ponctuelles de sensibilisation sur les IST/VIH et les grossesses de mineures en milieu scolaire. Il convient de mentionner les efforts de l’ONG Dignité Féminine dans ce domaine. Mais ils sont certes insuffisants faute de moyens. Il est indiqué donc que les structures du genre s’assemblent et développent des programmes dignes du nom. De tels programmes existent bien dans d’autres pays et contribuent àéduquer les populations sur les questions de sexualité et de maternité.

Toujours face au drame d’abandons de bébés dans la nature, une option plus lisible peut être encore examinée, par ces temps de changement et de promotion de la décentralisation. Il s’agit de la restructuration radicale des services d’assistance et de protection sociales sur l’ensemble du territoire béninois àtravers les communes et arrondissements.

Le recours àl’assistance sociale
Selon le docteur Olivier Capo Chichi, « Â un bébé jeté dans la nature n’est pas seulement l’affaire de celle qui l’a jeté. C’est notre échec social. Car il faut bien se poser la question de savoir quelle société sommes-nous en train de construire ? Qui sommes-nous devenus dans une situation semblable ? C’est des questions qui s’adressent en premier lieu aux décideurs de ce pays. »

En effet, les femmes en détresse avec des grossesses vécues comme un problème devraient pouvoir recourir aux centres d’assistance sociale de proximité pour bénéficier de soutien matériel et psychologique et d’orientation pour leurs soins. Malheureusement, il n’existe quasiment plus dans les communes du Bénin des centres publics fonctionnels d’assistance sociale àmême de répondre àde tels besoins spécifiques. Ce qui est de règle actuellement, c’est de retrouver, par exemple, dans une commune de 40 ou 100 mille habitants voire plus, un seul assistant social, sans moyen d’agir et qui se tourne les pouces dans un bureau s’il en a. La preuve du dysfonctionnement de ces services par exemple est donnée par la ministre de tutelle en charge de la Famille et de la protection sociale, Madame Méba Djossou qui, le jour où on retrouvait un bébé jeté dans la broussaille àTankpé, était en tournée dans les communes d’Avrankou et de Sèmè-Kpodji. L’objet de sa visite était d’aller donner àdeux familles où sont nés des triplets, une enveloppe financière de 200.000 F CFA chacune, de la part du gouvernement. Elle avait déjàeffectué la même démarche quelques jours plus tôt dans le Nord du Bénin en direction de deux autres familles. On imagine bien que, si les services d’assistance et de protection sociales fonctionnaient dans ces communes, avec des actions de proximité en direction des personnes en situations difficiles, ces dernières y auraient recouru pour avoir satisfaction. Mais si le soutien va àdes triplets, d’autres personnes n’ont qu’un seul bébé dont elles se débarrassent dans des conditions misérables, sans assistance. Face au phénomène d’abandon de nouveau-nés, des structures privées comme la Fondation Regard d’Amour de la magistrate Claire Houngan Ayémona, les maisons des sœurs catholiques entre autres, recueillent ces bébés abandonnés quand des cas sont portés àleur connaissance. Mais dans un contexte de précarité sociale ambiante, la réflexion sur ce sujet et sur la place des pauvres dans la société est plus que urgente pour repenser les mécanismes de solidarité en voie de disparition.

Septime Atchêkpé

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