Mon cher fils Omondjagoun

Je te pose toutes ces questions parce que j’ai eu peur. Je dis j’ai eu peur quoi. J’ai transpiré jusqu’àce que la robe que tu m’as donnée làsoit complètement mouillée. Je ne suis pas la seule àavoir transpiré ; tout le village aussi a transpiré, a eu peur ; peur àcause de l’oiseau de fer qui devrait t’emmener dans l’air pour aller au pays des Blancs. La nouvelle a fait le tour du village et j’ai vu que Dieu Tout-Puissant, Jésus de Nazareth, Allah et les Vodous du village ont tous bien fait pour que tu n’aies pas voyagé avec cet oiseau de fer du Blanc qui avait la grippe aviaire. Il a commencé par tousser, par uriner partout au moment où il s’apprêtait pour aller en l’air. Est-ce que c’est vrai que toi mon fils, le fils de ton père était déjàdans l’oiseau de fer quand il a commencé àfaire ce que font les poules atteintes de grippe aviaire ?

Mon Dieu, pourquoi, pourquoi c’est avec mon fils que cela arrive ? Depuis que j’ai appris la nouvelle, j’ai déjàcommandé une messe pour remercier Dieu des chrétiens ; je suis allé voir l’imam du village pour commander une prière avec beaucoup de colas et j’ai acheté aussi des poulets et même un cabri pour les Vodous du village. Tous les dieux réunis doivent pouvoir t’épargner ces situations qui me montent le cœur dans la poitrine et le font battre àun rythme si fort que je crois j’allais m’évanouir. Ou bien, les réparateurs de l’oiseau de fer n’ont pas regardé correctement sa santé avant de te le donner pour partir ? Ou bien l’oiseau de fer avait faim et ils ne lui ont pas donné àmanger ce qu’il voulait pour voler ? Je ne comprends rien de tout ça, mais je prie pour toi mon fils, enfant de grand guerrier et tout le monde pour que les dieux réunis épargnent la cata.. quelque chose que les grands akowés du village disent quand un oiseau de fer fait accident. Je ne connais pas bien le mot, mais je sais que quand ils veulent le dire, ils commencent par cata.

Notre village est béni et je te dis que maintenant, il faut que tu achètes toi aussi un oiseau de fer pour faire tes voyages. Si tu me demandes, je dirai àtous tes oncles, tes tantes, tes sœurs, tes cousins et cousines du village pour cotiser de l’argent pour t’aider àle faire. Ô mon Dieu ! Pourquoi tout empêche mon fils de dormir sur ses deux oreilles ? Non, ce n’est pas vrai, ce n’est pas possible, au moment où dans le village, les palabreurs de chez fofo Mati sont fâchés, les G et F ne vont pas travailler, qu’en même temps l’oiseau de fer que tu dois prendre pour aller au pays des Blancs aussi attrape la grippe aviaire ! Mais tu sais, Omondjagoun mon fils, avec tous les sacrifices, les messes et prières que j’ai recommandés, le village retrouvera son calme avec une bonne ambiance et des cris de joie. Que l’Esprit Saint écarte de ton chemin tout malin pour le bonheur de notre village, ainsi soit-il.

Nonnie ta mémé