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19 février 1990 – 19 février 2010 : Il y a 20 ans, la conférence nationale ouvrait ses travaux
lundi 22 février 2010, par
Du 19 au 28 février 1990, s’est tenu l’historique conférence des forces vives de la Nation qui allait marquer le départ d’une nouvelle ère, celle du renouveau démocratique. Ceci, après 17 ans passés sous le régime du marxisme-léninisme avec son parti unique, le Prpb (Parti de la révolution populaire du Bénin).
Lire l’intégralité de l’Allocution du président Yayi Boni à l’occasion de la célébration des 20 ans de la Conférence nationale ci-dessous.
Des acquis de cette conférence, quel usage en a fait le peuple béninois durant les 20 ans qui ont suivi ? En quoi ce renouveau démocratique a-t-il contribué au développement socioéconomique national ? Et par delà tout cela, quel souvenir les témoins de cet événement en ont gardé ? Dignité féminine hebdo s’est intéressée à la question. Quelques citoyens béninois y ont également apporté leur grain de sel.
Vendredi 19 février dernier, devoir de mémoire oblige, les Béninois se sont souvenus de l’ouverture des travaux de la conférence nationale qui a débouché sur la politique du renouveau démocratique en vigueur jusqu’à ce jour.
Et C’est en application de la décision prise les 6 et 7 décembre 1989 par la session spéciale du Comité Central du Parti de la Révolution Populaire du Bénin, du Comité Permanent de l’Assemblée Nationale Révolutionnaire et du Conseil Exécutif National qu’elle a été convoquée pour trouver les solutions adéquates, par la voie pacifique, à la crise politique et sociale qui paralysait le pays.
20 ans se sont donc écoulés depuis que le peuple a décidé d’écrire, de façon pacifique une nouvelle page de son histoire. En effet, vers la fin des années 80, le régime révolutionnaire et marxiste du grand camarade de lutte, Mathieu Kérékou, confronté à la réalité de la conjoncture, a eu le dos au mur et a été contraint de faire appel à ses ressources humaines de la diaspora. Le gouvernement mettra alors en place un comité préparatoire de la conférence, présidé par Maître Robert Dossou.
Le jour de la conférence fixé, le 19 février 1990, près de 500 délégués ont bravé la pluie de ce lundi matin pour courir au chevet du Bénin à l’Hôtel Plm Alédjo de Cotonou. Issus de toutes les couches sociales, des organisations de masse, des sensibilités politiques, ces citoyens béninois étaient tous mus de la volonté de donner le meilleur d’eux pour hisser le Bénin au rang des pays les mieux gouvernés de la planète.
Pendant dix jours, des frères ennemis d’hier, des anciens présidents de la République, des cadres, des personnalités de la société civile… se sont dit la vérité en face sous la coupole d’un présidium à la tête duquel se trouvait feu Monseigneur Isidore de Souza. Ils ont alors réussi à baliser le terrain à un régime démocratique qui fait son petit bon homme de chemin depuis 20 ans. 240 mois passés dans le régime démocratique.
On est aujourd’hui en droit de se demander ce que les Béninois ont pu faire pendant ces années. De toute évidence, le pays a fait d’énormes progrès dans beaucoup de domaines, mais pour des observateurs avertis, le bilan reste mitigé.
Des citoyens se prononcent sur le bilan
Samuel Akowanou, douanier en retraite : La conférence a été comme une nouvelle indépendance pour le peuple béninois
« Quand je pense à cette conférence de 1990, cela me rappelle l’état d’âme dans lequel nous étions restés durant les six jours qu’ont duré les travaux. Tout le peuple attendait le dénouement comme une femme en gestation attend sa délivrance. Nous restions collés à nos postes de radio pour suivre de bout en bout le déroulement des travaux.
Je me souviens de tous ces voisins qui accouraient vers vous à votre retour de service pour vous demander des nouvelles parce qu’on vous considère comme proche du sommet. Heureusement, tout s’est passé dans la sérénité totale pour que nous ayons notre renouveau démocratique.
Je peux dire que le bilan de ces 20 ans d’expérience démocratique est positif. Car, c’est en quête de stabilité que la conférence a été initiée. Et une grande partie de notre diaspora est revenue au bercail à partir de ce moment. Ceux qui fuyaient des brimades et des répressions de toutes sortes ont eu l’assurance que le cours de l’histoire a changé et sont rentrés au pays. Cela constitue un acquis car parmi eux se trouvaient des enseignants, des médecins, des ingénieurs et bien d’autres acteurs du développement.
Sur le plan politique, je crois que les élections pacifiques, la libre expression, le multipartisme, la libération de l’espace médiatique et autres sont redevables à cette conférence. En 20 ans d’application de notre Constitution, cet instrument fondamental et d’exercice des institutions de la République mises sur pied, notre démocratie a certainement révélé certaines insuffisances. Et c’est aujourd’hui le moment de voir dans quelle mesure il faudra renforcer ces instruments démocratiques.  »
Emmanuel Assaba, agent hospitalier : …Faire de notre démocratie un outil de développement.
« J’ai vécu les durs moments de la période révolutionnaire sous le bouillant Camarade Mathieu Kérékou d’antan. Notre pays était sous un régime dictatorial comme l’était la plupart des autres pays de la sous région : le Togo, le Mali, le Nigeria… La conférence de février 1990 a été salvatrice. Et je remercie du fond de mon coeur le Général Mathieu Kérékou qui a fait preuve d’une grandeur d’esprit extraordinaire en permettant la conférence et en acceptant de se retirer momentanément de la scène politique comme le recommandaient les conclusions de la conférence.
Sous l’ère du renouveau démocratique, je crois que nous avons déjà organisé plus d’une dizaine d’élection. Et tout ceci dans la paix, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays. Le peuple ne peut que s’en réjouir. Il reste que nous fassions de grands efforts pour faire de notre démocratie un outil de développement. Il ne sert à rien de dire que nous sommes en démocratie sans pouvoir manger à notre faim. C’est dans ce sens que tout le peuple doit réfléchir maintenant.  »
Camille Odjo, artisan : Il faut penser à redynamiser le système démocratique
« C’est grâce à cette conférence que je suis encore en vie aujourd’hui puisqu’on suspectait des complots anti-révolutionnaires partout. Il a fallu cette conférence pour qu’on dise que tout le monde était libre de dire ce qui ne va pas bien dans le pays. Mais l’autre bilan qu’il faut faire est de savoir si le renouveau démocratique a permis aux jeunes de trouver d’emploi. Je crois que non. Moi, j’ai trois enfants qui ont fini leurs études universitaires depuis plus de trois ans et continuent de multiplier en vain des demandes d’emploi à travers des entreprises privées comme publiques.
On dit que pour réussir aux concours de recrutement, il faut avoir des connaissances dans des administrations. Mais je ne connais personne. Je ne sais si c’est pour cela que mes enfants échouent à ces concours. De toute façon, il ne sert à rien de célébrer ces 20 ans de la conférence si on ne peut pas s’asseoir pour discuter de ce qui a marché et de ce qui n’a pas marché dans notre processus démocratique durant ces 20 ans. J’ai entendu le Chef de l’Etat présenter un discours à la veille de l’anniversaire. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Apres avoir rempli la formalité du discours, il faut penser à ce qu’on doit faire pour redynamiser le processus.  »
Thimothé Aloukou, enseignant : Les fondements de notre démocratie ont commencé à être remis en cause.
« Il me semble qu’après 20 ans de vie, nos institutions de la République s’essoufflent. C’est vrai qu’on a amorcé timidement la révision de la Constitution, mais il faut penser au système de fonctionnement de nos institutions à savoir le parlement, la Cour Constitutionnelle, la Cour suprême, la Haac… Quand on sait qu’on continue de reprendre les élections communales organisées depuis 2008, cela inquiète.
C’est un problème qu’il faut penser à résoudre. Tous les secteurs d’activités méritent une restructuration pour donner une nouvelle vitalité à notre économie. C’est à cela qu’il faut réfléchir à l’occasion du 20ème anniversaire de notre démocratie. Je le dis parce que je constate qu’on a commencé à remettre en cause les fondements même de notre démocratie. Ce qui n’augure rien de bon. De nouvelles assises doivent donc être organisées.  »
Céline Adandé, secrétaire de direction : Aucun acquis n’est éternel
« A mon avis, l’acquis fondamental à préserver de la conférence de 1990, c’est la paix. Et la prolifération des soi disant partis politiques ne pourra pas contribuer à cela. Il faut que les autorités gouvernementales fassent quelque chose pour corriger cet aspect de la chose le plus tôt possible. C’est vrai, le Chef de l’Etat a évoqué plus d’une fois la question, mais je ne sais pas réellement ce qu’il fait dans ce sens.
Est-ce que c’est dans cet esprit que les acteurs de la conférence nationale ont décrété le multipartisme intégral en 1990 ? Je ne pense pas. Il faut parvenir à clarifier la scène politique nationale.
En dehors, je vois la Lépi qui est, bon an mal an, en cours actuellement permettra de modifier positivement notre système électoral pour que les fraudes diminuent. Nous devons savoir que rien n’est éternel et penser à comment parfaire les acquis de la conférence.  »
Edouard Karimou
Colbert DOSSA
Allocution du président Yayi Boni à l’occasion de la célébration des 20 ans de la Conférence nationale
(texte intégral)
Béninoises, Béninois
Mes chers compatriotes,
Je voudrais particulièrement saluer la clairvoyance et le sens hautement patriotique de mon aîné, le Général Mathieu KEREKOU, alors président de la République. Au nom de la nation tout entière et en mon nom propre, je voudrais lui exprimer toute ma reconnaissance et ma gratitude, pour avoir consacré toute sa carrière au service de son pays qu’il aime profondément. Sa grandeur d’esprit, son courage et son sens élevé de l’Etat ont permis à notre peuple d’éviter le pire.
En reconnaissant le caractère souverain de la Conférence et en acceptant ses résolutions, il a créé les conditions favorables pour que les forces vives de la nation jettent les bases de la reconstruction de notre cher et beau pays, le Bénin.
Comment évoquer le souvenir de la Conférence nationale des Forces vives sans associer à cet événement un autre acteur clé, je veux nommer Monseigneur Isidore de SOUZA, illustre prélat de regrettée mémoire à qui je rends un hommage mérité. Ce digne fils du Bénin et serviteur de Dieu a incarné des valeurs morales, qu’il a inscrites de la plus belle manière par son comportement exemplaire et sa foi inébranlable en Dieu tout au long des dix jours qu’ont duré les travaux de la Conférence nationale.
Grâce à ses qualités exceptionnelles, à sa patience, à sa bravoure et à son savoir-faire, il a su conduire avec efficacité ce grand forum politique, qui a permis à notre peuple, dans toute sa diversité et sa pluralité, de procéder à une transition politique apaisée en jetant les bases d’une Nation unie et forte fondée sur la démocratie et l’Etat de droit.
En droite ligne des recommandations de la Conférence, il fallait trouver un homme de consensus, capable de conduire, aux côtés du Général, les destinées de notre chère nation pendant cette phase de transition où il fallait remettre le pays au travail et relever l’économie nationale.
C’est le lieu de louer le rôle combien déterminant de pionnier que le président Nicéphore Dieudonné SOGLO a su jouer, d’abord en tant que premier ministre, et ensuite en tant que premier président élu de l’ère du renouveau démocratique. Grâce à son amour du pays et à son sens élevé de ses hautes fonctions, il a su relancer l’économie nationale, restaurer l’espoir perdu et redorer le nom du Bénin tant au plan africain qu’international.
La chaîne des éminents acteurs de la Conférence nationale est longue et d’aucuns ne sont plus de ce monde ; je salue respectueusement leur mémoire. Je salue également les membres du comité préparatoire de la Conférence, les membres du bureau qui l’a présidé ainsi que tous ceux qui, même dans l’ombre, ont contribué à son succès et grâce à qui le Bénin a vaincu la fatalité.
Béninoises, Béninois,
Mes chers compatriotes,
Nous n’avons pas le droit de galvauder cet important héritage qu’est la Conférence des Forces vives de la Nation dont nous célébrons le 20ième anniversaire. Cet héritage doit être pour tout Béninois, vivant à l’intérieur comme à l’extérieur de notre pays, la source intarissable de l’énergie dont nous avons besoin pour bâtir l’avenir des générations montantes et renforcer les bases de notre jeune démocratie.
Aussi, me semble-t-il nécessaire que chacune et chacun se battent pour le respect et l’exécution des résolutions historiques de cette Conférence, dont la finalité est le renforcement de notre identité nationale.
Je n’ai de cesse de répéter qu’au-delà du renouveau démocratique, il nous faut un renouveau économique. C’est à cet objectif que mon gouvernement s’atèle depuis que le peuple béninois m’a confié la charge de sa destinée.
J’ai donc engagé depuis avril 2006 des réformes au plan économique dont la mise en œuvre se poursuit. Elles se sont traduites par l’amélioration du taux de croissance économique au cours
des années 2006, 2007 et 2008 ; les ressources générées ont permis d’intervenir dans le domaine social, d’améliorer la situation salariale des agents de l’Etat, de renforcer les infrastructures socioéconomiques de base et d’augmenter significativement les investissements publics du pays.
Malheureusement, les crises énergétique, alimentaire, pétrolière, financière, climatique et d’autres qui nous frappent depuis 2007, ainsi que nos propres insuffisances et contradictions qu’il faut avoir le courage de reconnaître, ont freiné la croissance économique et perturbé la situation financière de notre pays, limitant la possibilité d’avoir des retombées plus significatives au plan social.
Béninoises, Béninois,
Mes chers compatriotes,
Si pour l’essentiel des efforts consentis par mon gouvernement au cours des quatre dernières années, l’économie a occupé une place de choix, il n’en demeure pas moins que des actions en vue du renforcement des acquis démocratiques se sont avérées nécessaires. Ainsi, pour doter notre peuple d’institutions solides et lui permettre de poursuivre inexorablement sa marche vers le progrès, mon gouvernement a pris des initiatives portant sur :
la relecture de la Constitution de notre pays ;
l’opérationnalisation du cadre légal de l’opposition ;
le financement des partis politiques ;
la réforme de la Commission Electorale Nationale Autonome ;
le découpage territorial ;
l’actualisation et la mise en œuvre du projet d’établissement de la Liste électorale permanente informatisée, pour ne citer que ces exemples-là .
Mes chers Compatriotes,
Je voudrais renouveler au peuple béninois mon vÅ“u de « placer l’espoir du renouveau politique de notre chère nation dans l’union qui doit être le centre de convergence de toutes les forces politiques  ». Autrement dit, mon attachement à l’unité nationale, à la paix et à la cohésion sociale est sans faille ; ces valeurs constituent pour moi le socle majeur sur lequel doit se construire notre chère nation qui se veut libre, démocratique et prospère.
Mes chers compatriotes,
Notre démocratie se caractérise par sa vitalité et par l’esprit de tolérance qui anime les acteurs politiques de notre chère nation et de notre chère patrie. Néanmoins, la prolifération des partis politiques constitue une préoccupation essentielle qui nécessite une profonde réflexion. Le concept du multipartisme intégral doit être à mon humble avis repensé.
Il s’agit en effet de mettre notre peuple à l’abri de la création des formations politiques qui portent en elles le germe de la division et de l’ethnocentrisme et du régionalisme. Nous devons avoir toujours présents à l’esprit la sauvegarde de l’unité nationale et l’héritage à léguer aux générations futures.
En effet, il est important de rappeler à tous les acteurs de la vie politique, le principe de la primauté de l’intérêt national sur les intérêts des groupes organisés et ceux des individus. Nous devons donc bannir de nos pratiques le tribalisme et le régionalisme et privilégier tout ce qui nous unit et renforce l’unité et la paix dans notre chère commune patrie.
Les promoteurs et les acteurs de notre Conférence nationale n’ont jamais voulu confondre démocratie et indiscipline, liberté et anarchie.
En vérité, dans le temps et dans l’espace, aucune Nation n’a pu se développer sans le travail bien fait, sans discipline et respect des valeurs républicaines communes, celles contenues justement dans la Constitution du 11 décembre 1990.
C’est pour cela que je renouvelle ma conviction que la voie du développement harmonieux de notre nation passe par la production en quantité et en qualité de biens et services, par la solidarité nationale et la prospérité partagée.
Je rêve d’un Bénin démocratique avec des partis politiques forts parce que issus de regroupements importants dotés de projets de société qui cadrent avec notre ambition commune de bâtir à l’horizon 2025 un pays phare, un pays bien gouverné, uni et de paix, à économie prospère et compétitive, de rayonnement culturel et de bien-être social.
Je renouvelle mon profond attachement au développement intégral et harmonieux du Bénin dans un esprit de partage, de l’aménagement du territoire et vous exhorte, mes chers compatriotes, à vous investir, aujourd’hui mieux qu’hier, dans les tâches de production qui conditionnent l’amélioration du bien-être de toutes les populations de notre cher pays.
Ayons foi au Seigneur, Dieu le créateur, dans cette œuvre de construction de la Nation béninoise dans la paix, la concorde et la fraternité.
Peuple Béninois,
Je réaffirme à la classe politique de notre pays, ma foi en un dialogue politique franc et sincère et m’engage à servir la nation dans la recherche permanente du consensus sur les grandes questions nationales dans la concorde et dans un esprit de tolérance, de paix et d’amour.
Confiant en l’avenir de notre pays et fort des acquis précieux de la Conférence nationale de février 1990, je veux lancer solennellement à l’occasion de ce vingtième anniversaire, un appel à un vrai sursaut pour l’unité nationale, pour le travail acharné au service du développement et pour la fraternité ensemble vécue et ensemble partagée.
Que Dieu bénisse les pionniers de la Conférence nationale !
Qu’Il comble d’attention notre chère patrie !