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Le régionalisme en question au Bénin : « Le mal est plus politique que social  »(Sudistes et Nordistes en appellent àun débat national)

lundi 15 mars 2010, par Dignité Féminine

« Le régionalisme est purement politique et non social.  » Cette déclaration d’Anselme Kpodegla, entrepreneur agricole et originaire de Savè , a été soutenue par trois acteurs sociopolitiques invités le vendredi 12 mars dernier sur l’émission « Questions actuelles  » de la radio Capp Fm pour débattre de la question du régionalisme qui défraye actuellement la chronique au Bénin.

Sur la base d’exemples concrets, l’honorable Assan Seibou, l’historien Sébastin Dossa Sotindjo et le chercheur et consultant en ingénierie sociale et institutionnelle, Simon Tomètin, ont essayé d’analyser le phénomène sous presque tous ses aspects. Ils sont unanimes avec les citoyens que nous avions interrogés sur le fait. C’est en politique que le régionalisme se manifeste le plus. Le constat est là : populations du sud et populations du nord vivent en harmonie au Bénin. Mais ils proposent néanmoins une assise nationale pour réfléchir sur la question.

Le régionalisme, aux dires de l’historien Sébastien Sotindjo, aurait toujours existé au Bénin. Et àtitre illustratif, il remonte àla période coloniale au cours de laquelle toutes les infrastructures socio-économiques auraient été concentrées au Sud du Dahomey. Ainsi, les populations du Sud auraient connu la scolarisation plus tôt que celles du Nord. Pendant que les premiers instituteurs du Dahomey sortaient du Sud au début du 20ème siècle, ce serait en ce moment que les premières écoles du Nord seraient installées àParakou et àKandi. Le déséquilibre du développement régional serait donc parti de là. Ce qui serait censé entrainer des frustrations du côté des populations du Nord.

Pour montrer que la discrimination sociale n’est pas seulement entre Nordistes et Sudistes, l’historien évoque le rejet dont a été victime l’ancien Président de la République, Justin T. Ahomadégbé, ressortissant d’Abomey, alors médecin àPorto-Novo où il voulut se présenter aux élections législatives en 1946. Les Porto-Noviens lui auraient demandé d’aller se présenter àAbomey. Ce dont auraient été également victimes, deux Porto-Noviens, MM. Oké et Ahouandjinou, qui, élus députés au Nord en 1951, n’ont pu renouveler leur mandat en 1956 àcause de leur appartenance régionale.

Le cas le plus récent, évoqué par le député Assan Séibou, serait celui de Martin Rodriguez, qui n’aurait pu se faire élire député au Nord lors des élections législatives de 2007. Le consultant en ingénierie sociale, Simon Tomètin, cite entre autres le cas du Général Mathieu Kérékou, interdit de battre campagne àAbomey. Autant d’actes qui montrent la manifestation du régionalisme dans le temps et dans l’espace.

Seulement, pour l’honorable Assan Séibou, le phénomène aurait pris d’ampleur sous le régime du Changement. Et quand certains hommes politiques en campagne dans leur région d’origine, tiennent des propos tendancieux du genre « je suis votre frère, votre sang  », en prenant soin de demander qu’on éteigne micros et cameras, ce serait d’une gravité extrême, selon le député.

Simon Tomètin abonde dans le même sens en se référant aux meetings de remerciements au Chef de l’Etat, organisés par certains responsables administratifs et des ministres après leur nomination. De même, quand des ministres sont envoyés dans leur région pour expliquer soit la gratuité de la césarienne ou des enseignements maternel et primaire, le processus de la Lépi et autres, cela porterait atteinte àl’unité de la nation, selon le consultant. Et c’est ce qu’il appelle « la communalisation de la fonction ministérielle  ». Ce qui remet en cause la compétence du préfet et des autorités communales établies après la décentralisation.

Au vu de tous ces faits, la conclusion que tire l’historien Sotindjo est que le régionalisme se manifeste surtout lors des échéances électorales.

Les politiques utiliseraient donc les conflits historiques ayant existé entre des tribus et le déséquilibre régional en matière de développement pour jouer sur la sensibilité des populations afin de bénéficier de leurs suffrages. Et l’analphabétisme en serait un facteur favorable, étant donné que la population béninoise est à71% analphabète et par conséquent facilement manipulable.

Au terme du débat, des approches de solutions n’ont pas manqué. Si pour Simon Tomètin, la culture de l’excellence serait la seule solution efficace, l’historien Sotindjo propose qu’on sorte la population de l’analphabétisme pour lui permettre d’avoir la capacité de comprendre les mobiles des politiciens qui viennent solliciter leurs suffrages. Et l’honorable Séibou n’est pas moins de cet avis, quand il rapporte qu’un paysan du Nord lui aurait manifesté son indignation du fait que les hommes politiques leur demandent toujours de voter pour eux sur la base de leurs liens fraternels. Par ailleurs, qui cela a-t-il gêné quand le Président Kérékou, sur la base de la compétence, a formé entre temps un gouvernement fait de plus de la moitié de ressortissants d’Abomey ? Se demande Tomètin.

De toute façon, les invités de notre confrère de Capp Fm sont unanimes sur le fait qu’il est actuellement temps de porter le problème du régionalisme sur la place publique afin d’en discuter. Car, comme l’a dit l’honorable Séibou, « si le changement et la démocratie sont les mots les plus ouvertement utilisés, le régionalisme l’est àvoix basse.  »

Des citoyens se prononcent

De plus en plus et dans l’arène politique, des déclarations àcaractère régionaliste sont faites. Ceci, àen croire certaines personnes politiques qui sont montées au créneau pour fustiger ces déclarations, prend des proportions inquiétantes et si rien n’est fait, le Bénin risque de vivre encore ces tristes images d’affrontement entre populations du Sud et celles du Nord. Nous avons interrogé pour vous, certains citoyens qui donnent ici leur avis sur la question et font savoir que c’est une pratique qui est beaucoup plus ressentie dans la politique que dans la population.

Missiako AMADOU, Originaire de Zinvié
On n’a pas àtrop s’inquiéter des déclarations jugées de régionalistes au Bénin. Cela est beaucoup perceptible dans le cadre de la recherche de l’emploie. Il faut avoir une connaissance, c’est-à-dire, un parent dans le système, donc quelqu’un de sa région. Depuis longtemps, nous ne menons que la politique de division et il va falloir que nous allions àla politique de développement. Je félicite le Président Mathieu Kérékou qui, avec sa révolution en 1972, m’a permis de trouver du travail dans la Fonction Publique en tant que chauffeur. Mais en ce moment, les cadres n’avaient pas fait de distinction de région.

Pascal GOUNOU, Comptable et originaire du Borgou
Ce sont les politiciens qui l’utilisent àcause de leur carence pour conquérir le peuple ou le pouvoir. Sinon au sein du peuple, c’est une autre chose qui se remarque. Les gens du Nord se marient àdes gens du Sud ou de telle région àd’autres et vice versa.

Pierre GNASSOUNOU, Mahi
Le régionalisme prend de plus en plus une proportion inquiétante au Bénin. Si des personnalités disent des choses àdiviser le pays, ce n’est pas du tout bien. Il faut que les politiciens cessent de manipuler la volonté du peuple par leurs déclarations car les populations vivent en fraternité.

Joseph MENSAH, Originaire de Grand-Popo
Moi, j’ai vécu au Nord en 1964 et je sais bien ce qui se passe. Mais depuis un certains temps, les différentes populations qui vivent ensemble là-bas, entretiennent de bonnes relations. Alors il n’est pas souhaitable que par les déclarations des hommes politiques, nous vivions encore des périodes déplorables de notre histoire. Nous notons également dans notre administration du régionalisme. Mais ce qui est bien dans la chose, c’est qu’on retrouve certains de l’autre camp qui travaillent aussi dans l’administration.

Clovis HOUANZENOUDE, Mahi
Moi, je n’ai pas de preuves du régionalisme. Il y n’a pas une quantité X qui domine une autre Y. Mais si les gens le disent aujourd’hui, c’est qu’ils en subissent. Sinon, les années antérieures, les gens du Nord avaient un engouement àfaire le corps armé, contrairement àceux du Sud qui aiment étudier. C’est cela qui a fait qu’àun moment donné, on a noté plus des gens du Sud dans l’administration publique. L’écrivain Jean Pliya a dit « si vous avez un parent sur le pommier, vous ne pouvez pas manger de pommes vertes.  » Alors, si quelqu’un est ministre, il veut satisfaire ses partisans et ses frères, même si ce dernier n’a pas les qualités du poste. Mais penser aujourd’hui qu’il y aura affrontement entre les différentes régions, je ne crois pas car ils savent bien ce qu’ils disent.

Anselme KPODEGLA, Entrepreneur agricole et originaire de Savè
Le régionalisme est purement politique et non social. On parle du régionalisme quand on est résistant envers d’autres ethnies. Cela n’est qu’un cas qui se dessine àmon avis. C’est une situation qui a commencé du Nord vers le sud. Il est àla fois politique et historique en ce sens que l’histoire du Bénin est marquée par des guerres entre le Nord et le Sud au temps des Rois. Les Rois d’Abomey allaient conquérir ceux du Centre et du Nord. C’est ce passé douloureux qui amène les nordistes ànourrir une haine àl’égard de leurs frères du Sud.

Benoît DATE, étudiant en deuxième année de philosophie
Je crois que les différentes déclarations que nous écoutons actuellement témoignent du germe du régionalisme. Ce dernier consiste àfavoriser les gens de son milieu en oubliant les autres. C’est cette minorité qui réclame àcorps et àcri les avantages dont bénéficient les autres.

Colbert DOSSA

Hermann ADIMOU

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