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Entretien avec la Directrice de la Halte-Garderie de Sainte- Rita, Laurentine A. Davo : « Les garderies d’enfants, un instrument d’autonomisation des femmes àpromouvoir  »

lundi 15 mars 2010, par Dignité Féminine

La Halte-Garderie de Sainte- Rita qui s’occupe des petits enfants afin de permettre àleurs mères de vaquer librement àleurs diverses occupations dans la journée est en phase d’expérimentation depuis le 02 octobre 2006.

Laquelle expérimentation, si elle s’avérait concluante, devrait aboutir àl’expansion du centre àtravers toutes les régions du Bénin. Dans l’entretien que la directrice dudit centre, Laurentine Adossou Davo, nous a accordé, elle s’étonne de l’attitude du gouvernement de Boni Yayi, qui, après avoir rendu fonctionnel le centre, l’a abandonné, alors qu’il a fait ses preuves et acquis l’adhésion des populations de Cotonou et environs. Elle nous parle des activités et du fonctionnement du centre.

Parlez-nous un peu de ce que fait la Halte-Garderie que vous dirigez.

- La Halte-Garderie de Sainte-Rita est un centre d’enfants qui joue le rôle de ménagère pour les femmes , particulièrement les mères , afin de leur permettre de continuer àexercer leurs activités professionnelles même en période de maternité. Nous gardons les enfants âgés de 1 à3 ans. Nous nous occupons d’eux de 7 heures à19 heures ou 20 heures, le temps que leur mère revienne de leur service ou du marché. Nous les mettons dans des conditions idoines pour qu’ils ne souffrent pas de l’absence de leur mère. Ils ont des jeux de balançoire, d’éveil et autres, avec des animations diverses.

Les enfants de 2 ans sont initiés àl’école pré-maternelle. Ceux qui souffrent de malnutrition sont placés sous un régime particulier. Ainsi, au lieu de trois repas journaliers comme les autres, ils en ont droit jusqu’àhuit. Des femmes sont làpour des séances de récupération nutritionnelle.

Qu’est-ce qui justifie la création d’un tel centre au Bénin ?

- La Halte-Garderie de Sainte-Rita a été créée suite àune étude commanditée par l’Unicef et qui a montré que l’un des facteurs de la pauvreté des femmes en Afrique est la maternité. C’était au temps de la ministre de la famille, Guécagou Bawa, sous le régime du Général Mathieu Kérékou. Mais c’est juste le bâtiment qui a été construit. Il n’a été rendu fonctionnel qu’àpartir du 02 octobre 2006 sous le régime du Changement. On a voulu expérimenter la chose. Et sans même prendre des dispositions préalables, nous avons commencé l’aventure.

A notre grande surprise, l’engouement que les femmes ont manifesté àla chose a dépassé notre entendement. Avec les moyens de bord, nous avons commencé par accueillir les enfants.

On dirait que les populations de Cotonou attendaient l’installation d’un tel centre. Les gens viennent d’un peu partout : Akpakpa, Fidjrossè, Calavi, Akassato, etc. Nous accueillons entre une cinquantaine et une soixantaine d’enfants par jour. Enseignantes, fonctionnaires, étudiantes, agents de bureau, commerçantes,… toutes couches socio- professionnelles confondues viennent ici parce qu’elles ne peuvent pas aller travailler avec leurs bébés. Elles me demandent sans cesse pourquoi on ne peut pas créer d’autres centres comme celui-ci car il n’y a pas de place pour tout le monde ; nous refusons malgré nous certains enfants quand nous sommes débordées.

Quelles sont les conditions àremplir par un enfant pour être admis dans le centre ?

- L’enfant doit être bien portant ; avoir son acte de naissance et son carnet de vaccination (celui qui n’a pas suivi régulièrement sa vaccination n’est pas accepté). Les parents fournissent trois photos bijoux de l’enfant, les frais d’inscription (1000F CFA) et les frais de garde (500F Cfa) puis une contribution de 500F CFA. Donc en résumé, les pièces d’identité de l’enfant et le payement de 1000F Cfa par jour après l’inscription.

Les difficultés que votre personnel rencontre dans sa tâche ?

- Nous rencontrons d’énormes difficultés. D’abord quoique nous soyons dans un service public comme tout autre, nous travaillons àplein temps. De 07 heures à20 heures, nous sommes là, sans interruption, alors qu’on est censé faire de 08 heures à12heures et de 15heures à18heures 30mn. Même pendant les congés, nous sommes là. Et qui nous paye les heures supplémentaires ? Personne. On dirait que l’Etat ne sait même pas qu’il a créé un centre àSainte Rita. Avec le nombre d’heures que nous faisons, la moindre des choses serait que nous ayons suffisamment de personnel pour pouvoir travailler par rotation afin d’assurer la permanence.

Dites-vous que les femmes ne veulent pas du tout que nous nous reposions. Elles veulent que leurs enfants restent avec nous àplein temps, que ce soit pendant les week-end ou les congés. Mais nous n’avons rien. On n’a rien mis ànotre disposition. Pas de vivres, pas de jouets, rien. On a parlé d’expérimentation qui ne devrait pas durer plus de 2 ans, mais cela fait 4 ans que le centre existe. C’est une fuite de responsabilité de la part de l’Etat. Je ne sais pas si on peut vouloir une chose et son contraire.

Au même moment qu’on organise des colloques et ateliers par-ci par-làpour parler d’autonomisation des femmes, de lutte contre le trafic des enfants et autres, on refuse de promouvoir des instruments pouvant favoriser cela. Les femmes disent que s’il y avait des centres comme le nôtre dans le pays, elles n’auraient pas besoin de domestique. Ce qui limiterait sans doute la maltraitance des enfants. J’ai envoyé personnellement des courriers àl’Unicef et au Fnuap pour nous appuyer, mais ils n’ont pas réagi.

Vu la distance que les gens parcourent tous les jours pour venir vers nous, il n’est plus àdémontrer que le besoin se fait sentir sur le terrain. Il faudrait penser àinstaller au mois 5 centres de ce genre àCotonou. De même, toutes les autres villes en ont besoin.

Je crois qu’on a déjàfait assez de discours autour de l’épanouissement des femmes. Il est maintenant temps d’agir. Et c’est àtravers des initiatives comme celles-ci. Dites-vous que les femmes ont parfois peur de concevoir, au risque de perdre leur emploi. Et s’il y a un moyen de les aider en leur gardant les enfants au moins jusqu’àl’âge de scolarité, pourquoi ne pas y investir ?
Nous avons droit àdes subventions dont nous ne voyons jamais la couleur. C’est sur ce point que le gouvernement du Changement me déçoit.

La particularité de votre centre par rapport àceux privés ?

- Notre particularité est d’abord sur le plan du coà»t. Nos services coà»tent considérablement moins cher par rapport aux centres privés. Ce n’est pas une initiative àbut lucratif. C’est juste pour aider les femmes. En dehors de cela, nous pouvons parler de la qualité de nos services. Les parents sont toujours satisfaits quand ils reviennent chercher leurs enfants. Nous n’avons jamais connu de cas d’enfants victimes de quelque accident que ce soit. Ils sont très bien suivis durant tout le temps qu’ils passent avec nous. Ce n’est pas du tout facile car ce sont des enfants en âge de curiosité. C’est pourquoi nous ne nous reposons pas une minute quand nous sommes là.

Vu votre amertume, que réserve l’avenir àla Halte-Garderie de Sainte-Rita ?

- A l’allure où vont les choses, l’avenir parait sombre pour ce centre. Je ne vois pas encore celui ou celle qui accepterait de se sacrifier àquelque chose qui ne lui appartient pas comme je le fais. Moi, j’habite non loin d’ici et il m’est facile de venir et de rester aussi tard que possible. Mais imaginez quelqu’un quitter Calavi ou ailleurs pour le faire. Ce serait certainement pour revendiquer des primes de motivation et autres. Or nous ne demandons que le minimum. Que l’Etat pense rapidement àdoter ce centre de moyens nécessaires et àson expansion. Autrement, les femmes ne pardonneront pas au Président Boni Yayi et àson gouvernement d’abandonner le centre jusqu’àsa fermeture.

Un message ?

- Je demanderais seulement ànotre ministère de tutelle, celui de la famille et de la solidarité, de tourner un regard vers nous. L’expérience est déjàentrée dans les habitudes des femmes et les soulage énormément. Il n’y a pas de raison pour qu’on recule.

Propos recueillis par ColbertDOSSA

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