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Raréfaction des employés de ménage : Les domestiques accusent, les employeurs se méfient (Les péripéties d’un métier sans réglementation)

lundi 15 février 2010, par Dignité Féminine

Chauffeurs, jardiniers, gardiens, boys, cuisinières, nourrices et autres sont ceux qui assurent souvent les arrières bases des foyers modernes où parents et enfants n’ont pas de temps àconsacrer aux petits travaux du ménage.

Moyennant un salaire souvent dérisoire, ces femmes et hommes du bas peuple sont toujours disponibles pour faire tout ce qui pourrait leur permettre, àeux et àleur petite famille, de joindre les deux bouts. Mais depuis un certain temps, ils se feraient de plus en plus rare, d’après leurs employeurs.

Ces derniers estiment qu’ils passent plusieurs mois àchercher en vain une personne pour s’occuper de leur ménage ou pour conduire leur véhicule. De leur coté, les employés de ménage disent qu’ils ne fuient pas le métier mais plutôt le « traitement de sous-homme  » qui leur serait fait. Ils réclament alors une réglementation de leur métier qu’ils qualifient d’indispensable àl’équilibre de la société.

Mouïbath Fachinan dite « Aladja  » est restauratrice àSèkandji, non loin du carrefour. Il est 13 heures. Moment du déjeuner. Sous sa paillote, alors qu’elle-même est assise, discutant avec une de ses amies, deux jeunes filles s’affèrent autour des marmites et autres récipients de repas de toutes sortes : riz, pâte, piron, haricot, sauce… Afi et Mimi doivent user d’agilité et d’affabilité pour satisfaire la foule de clients qui, tous impatients, n’hésitent pas àleur crier dessus pour se faire servir.

« Aladja  », la maîtresse des lieux, se contente de les exhorter de temps en temps àla patience, sans manquer de lancer àses deux servantes : « dépêchez-vous pour servir ce monsieur qui est làdepuis un bon moment !  » Quand la clientèle devient trop encombrante, elle peut se décider àdonner un coup de main aux deux jeunes filles.

« Mes deux serveuses, nous confie « Aladja  », sont avec moi il y a environ deux mois. Je les ai engagées après avoir renvoyé la dame qui travaillait avec moi et dont mes clients se plaignaient sans cesse parce qu’elle n’était pas du tout accueillante. Pis, elle a un enfant qui la dérangeait trop, si bien qu’elle ne pouvait se consacrer entièrement àmon service. Mais j’ai passé plus de quatre mois avant de trouver celles qui sont làmaintenant. Pendant cette période, on m’a amené successivement deux personnes qui ont fui, l’une après deux semaines et l’autre après trois semaines sans que je sache pourquoi. Pourtant, je ne les traite pas mal : elles dorment chez moi, mangent et font tout chez moi et je leur paye douze mille francs… Le problème est qu’elles ne sont pas souvent de bonne moralité.  »

Afi, àgée de 22 ans, fait ce travail de serveuse depuis trois ans. Aladja est sa neuvième patronne. Elle dit en avoir vu de toutes les couleurs. « il me faut encore un peu de temps, affirme-t-elle, pour savoir si « Aladja  » serait la pire des maîtresses que j’ai connues ou si elle serait la meilleure. Ce qui est certain, je n’hésite pas àclaquer la porte quand les conditions de travail ne m’arrangent pas. Car je sais que je ne mourai jamais de faim.

J’ai quitté mon village pour venir àCotonou àla demande de l’une de mes tantes qui m’a informée qu’une dame avait besoin d’une nourrice pour son bébé. Il s’agissait d’une directrice de société qui avait un enfant d’un an. Je devais m’occuper de celui-ci et faire tous les travaux domestiques – propreté, cuisine, lessive…
Pendant 6 mois, cette dame ne m’a payé aucun sou. J’ai dà» l’abandonner. J’ai travaillé par la suite dans un bar où on me payait 15000F par mois. Mais je suis partie de làquand le patron du bar a voulu abuser de moi sexuellement.
J’ai traversé beaucoup d’autres situations fâcheuses : des gens qui vont jusqu’àlever la main sur vous, certains sont toujours d’humeur exécrable, d’autres tendent àvous confondre avec leurs épouses… et on ne peut se plaindre àpersonne.
C’est àcroire que les « bonnes  » n’ont que des devoirs. Pas de droits. On ne se lasse de vous interpeller : ‘’As-tu déjàfait ceci ? As-tu déjàfait cela ?’’ Mais jamais on ne vous demande àtemps : ‘’As-tu déjàmangé ? As-tu déjàperçu ton salaire ?’’. Bref, c’est pénible, ce travail. Mais que voulez-vous ? On a besoin de travailler pour survivre, même si on n’a aucune qualification professionnelle. C’est le comportement inhumain des employeurs qui fait que les gens fuient le métier.  »

Mimi semble de nature taciturne. La trentaine environ, elle a déjàdeux enfants qui vivent avec sa « vieille mère  » au village et àlaquelle elle doit tout faire pour envoyer de l’argent chaque fin de mois. « Depuis cinq ans, je fais tout ce que je trouve pour m’occuper de mes deux enfants que mon époux m’a laissés sur les bras pour une aventure au Burkina-Faso dont il n’est jamais revenu. Quand on se met en idée que rien n’est facile dans la vie, on fait avec toute situation. Je sais que je ne mourai pas femme de ménage. »

Contrairement àMimi et Afi, Sonia a préféré retourner dans son village, après avoir passé 10 ans dans le métier. C’est par le Nigéria qu’elle a commencé. Par la suite, elle est revenue dans son pays où elle a parcouru plusieurs villes, toujours en tant que fille de ménage.

« Mon calvaire, raconte Sonia, a commencé après le décès de mon père. Une amie de ma mère est venue me chercher pour m’amener au Nigéria. Je n’avais que 12 ans. Là-bas, j’ai servi une grande commerçante de tissus. Elle n’avait pas d’enfant. C’est moi qui faisais tout. Elle était plus ou moins gentille avec moi. Mais àun moment donné, elle a commencé àm’en vouloir sous prétexte que mes parents lui réclamaient trop d’argent. Quelqu’un venait régulièrement au nom de ma mère lui réclamer de l’argent en lui faisant croire que mon frère tel était gravement malade ou ma sÅ“ur telle voulait voyager, etc.
C’est par la suite que j’ai été mise au courant de toute cette supercherie. J’ai donc fui du Nigeria pour revenir au pays. Ici, la situation ne m’a pas été plus favorable. J’ai été même jusqu’ànégocier avec une maîtresse couturière pour lui servir de fille de ménage pour qu’elle m’apprenne en retour la couture. Ça s’est soldé par un échec car la dame s’est transformée en bourreau contre moi sans que je sache pourquoi. Finalement, je me suis dit que ce serait mieux que je retourne dans mon village. Ce que j’ai fait. Je préfère souffrir chez moi àDangbo qu’ailleurs.  »

Loin de ces filles, il y a aussi des hommes qui vivent plus ou moins la même situation. Devant le tribunal de première instance de Cotonou, Joseph attend àcôté d’un véhicule son patron qui serait parti retirer un papier dans ladite institution. Le visage pas trop gai, il répond ainsi ànos questions : « Vous appelez ceci un métier ? Je le fais malgré moi. Non seulement vous avez un salaire de misère, mais vous êtes encore àla merci des enfants du patron qui veulent tous vous montrer leur petit chef, sans compter les caprices de leur mère. Moi, je suis en train de négocier déjàun taxi àconduire.
Je n’en ai donc plus pour longtemps pour déposer àcelui-ci sa clef. On ne vous paye pas àtemps, et vous n’avez pas le droit de réclamer, sinon on vous nargue. Je ne comprends pas pourquoi les riches sont si cyniques au point d’être incapables de vous remettre le peu qui vous revient de droit. Il faut que les autorités pensent àréglementer quand même ce métier.
Le problème ne se pose pas pour ceux qui conduisent des véhicules administratifs. Mais tout le monde ne travaille pas dans des sociétés. Ceux qui conduisent des véhicules personnels méritent aussi d’être pris en compte par des lois. Dire qu’on continue de payer moins de 30000F àdes chauffeurs en ces temps où la vie est extrêmement chère ! Il faut remédier àcette situation. Car nous sommes tous des Béninois, de surcroît des êtres humains au même titre que les députés, directeurs, hommes d’affaire…  » Sur ce, notre interlocuteur aperçoit son patron et s’éclipse dans le véhicule.

Au marché Dantokpa, Dame Phina a dà» faire appel àsa fille pour l’aider dans son commerce de tissus. Elle aurait été déçue par deux filles qui auraient abusé de sa confiance. L’une aurait disparu en emportant une forte somme d’argent. Quant àl’autre, Dame Phina dit l’avoir renvoyée pour son comportement douteux. Elle aurait cherché alors vainement pendant plusieurs mois une personne de confiance. D’où elle a dà» demander àsa fille de lui prêter main forte. Ceci, avec l’accord de l’époux de celle-ci.

C’est sans doute le cas de plusieurs autres personnes utilisatrices de domestiques qui se plaignent de l’incompétence et de la moralité douteuse de leurs employés. Pour ces personnes, les domestiques ne sont pas souvent qualifiés pour le service qu’ils doivent rendre parce qu’ils n’auraient aucune formation.

Des différents avis recueillis, on s’aperçoit que tout le monde est coupable dans la situation de raréfaction des personnels domestiques. Si les employeurs sont accusés d’avoir souvent la main dure envers leurs domestiques, ces derniers ne semblent pas remplir toujours les conditions de qualification et de bonne moralité recherchées.

C’est dans cette confusion que fonctionne ce secteur d’activité indispensable ànotre société. Et en attendant que l’Etat prenne en main la situation, il y a des personnes qui en profitent énormément au détriment des intéressés. Ces personnes jouent en effet les intermédiaires entre les employés domestiques et les employeurs.
Il s’agit des escrocs qui en font le commerce en usant de démarchage sur les employés comme cela se fait en matière de location de chambres ou de maisons. Un autre type d’esclavage moderne àdécouvrir dans les prochaines parutions.

Colbert DOSSA

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