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Féminisation de la pandémie du VIH/Sida : « Le Bénin n’échappe pas àla tendance  », dixit Dr Gatien Ekanmian de l’Onusida (Quand la prévalence en VIH est de 0,3% chez les hommes, elle est de 1% chez les femmes.)

lundi 14 décembre 2009, par Dignité Féminine

Il y a quelques jours, la communauté internationale a célébré la journée mondiale de la lutte contre le VIH/Sida. Et puisqu’on parle de la féminisation de la pandémie du fait qu’elle touche en majorité des femmes, quel est l’état de la situation au Bénin ?

A ce propos, nous nous sommes rapprochés du Dr Gatien Koffi Ekanmian, médecin en santé publique, et conseiller en suivi et évaluation àl’Onusida. Il ressort de l’entretien que la situation de la femme dans la pandémie du Sida n’est pas moins alarmante au Bénin. Il attire l’attention de l’opinion publique sur la tendance de la forte prévalence observée dans les campagnes alors qu’elle baisse dans les villes.

On parle souvent de la féminisation de la pandémie du VIH/SIDA dans le monde. Qu’en est-il au Bénin ?

Dr Ekammian : On constate que généralement le Sida touche beaucoup plus les femmes et les filles que les hommes. Depuis plus de 3 ans, selon l’Onusida, la contamination en VIH/Sida a augmenté dans toutes les régions du monde. Et plus de la moitié des nouvelles infections enregistrées quotidiennement chez les personnes de 15 ans et plus sont du sexe féminin. On constate que dans le monde, 55 femmes sont infectées chaque jour. C’est la situation que nous vivons actuellement.
Pour le cas spécifique du Bénin, les mêmes tendances sont observées. La prévalence au niveau des jeunes de 15 à24 ans est de 0,7%. Et quand la prévalence est de 0,3% chez les hommes, elle est de 1% chez les femmes. Donc la féminisation de la pandémie du VIH/SIDA est bien réelle comme partout ailleurs dans le monde.

Quels sont les facteurs qui favorisent cette situation ?

Au-delàdes facteurs biologiques àsavoir les rapports sexuels non protégés qui rendent les femmes plus vulnérables que les hommes, il y a plusieurs inégalités qui entrent en ligne de compte depuis la prévention jusqu’au traitement favorisant la vulnérabilité des femmes. Les inégalités sexo-spécifiques, les violences faites aux femmes, la faiblesse du statut de la femme sont autant de facteurs.

Au Bénin, ce sont essentiellement les jeunes filles ou les jeunes femmes hétérosexuelles pauvres qui sont pour la plupart infectées.

La pauvreté constitue donc un facteur fondamental de la féminisation du VIH dans notre pays. A cela il faut ajouter la tradition et ses nombreux préjugés qui embrigadent fortement la femme. Etant donné que nous sommes dans une société machiste où les femmes ont moins accès àl’éducation et au marché du travail, elles sont dépendantes des hommes. Ce qui fait qu’il est difficile aux femmes d’exiger de leurs hommes le préservatif avant les rapports sexuels. Et si elles le font, c’est qu’elles doivent s’attendre àêtre étiquetées de femmes faciles ou vagabondes.

Au milieu de ce climat, la femme doit aussi affronter la stigmatisation et la discrimination àcause de son état sérologique.
Nous voyons donc que la féminisation du VIH est due àbeaucoup de choses : les facteurs biologiques, économiques et socio-culturels.
Et sur le plan socio-culturel, on ne doit pas occulter l’excision qui comporte assez de risques d’infection. Raison pour laquelle, cette pratique mérite d’être véritablement combattue.

Prostitution et propagation du VIH/SIDA ?

Des enquêtes ont été menées et ont prouvé qu’actuellement, une travailleuse du sexe sur 4 est porteuse du VIH au Bénin, plus précisément 26,5%.

Donc les travailleuses du sexe constituent les poches de concentration et de propagation du VIH/SIDA. Et la lutte devient beaucoup plus difficile car nous avons deux catégories de travailleuses du sexe : celles qui sont affichées et celles clandestines. Si la première catégorie est facile àidentifier pour des actions de sensibilisation, la seconde catégorie est mêlée àla population. Cela concerne les apprentis, les élèves, les étudiantes et autres en quête d’argent. Celles-ci se livrent aussi àla prostitution pour pouvoir avoir des revenus et satisfaire leurs besoins. Et tout cela intervient dans la féminisation de la pandémie.

Que faire, selon vous, pour remédier àcette situat prochaine revue stratégique de l’ONU SIDA et lors du redéploiement des fonds, les attentions seront beaucoup plus focalisées vers les groupes-cibles dont les travailleuses du sexe et les jeunes de 15 à24 ans qui continuent d’avoir des comportements àrisque  ?

Il faut donc beaucoup plus de communication, de sensibilisation pour un changement de comportement afin de briser les barrières socio-culturelles. Il faut aussi augmenter le pouvoir d’achat de la femme afin de supprimer, de combattre sa dépendance économique vis-à-vis de l’homme. Il est nécessaire de promouvoir aussi nos valeurs culturelles que nous sommes en train de mépriser àsavoir l’abstinence, la virginité jusqu’au mariage, la fidélité conjugale, etc. C’est dans ce sens que se développent des projets tels que ‘’Plus tard plus sà»r’’ pour amener les jeunes àretarder leur premier rapport sexuel.

La femme a 80% de chance de contracter le VIH si l’homme est porteur pendant que celui-ci n’a que 40 à50% de l’être si la femme est porteuse. C’est dire que la lutte contre le VIH doit être aussi bien l’affaire des hommes que celle des femmes.

Tel que les actions de sensibilisation sont concentrées dans les milieux urbains au détriment des zones rurales, est-ce que les effets suivent selon la même proportion ?

C’est vrai que le taux de prévalence est plus élevé dans les villes que dans les campagnes (1,5% contre 0,7%). Mais ày voir de près, la tendance est en train d’être inversée.

La prévalence en VIH tend àaugmenter en milieux ruraux pendant qu’elle baisse en milieux urbains. Cela va sans dire. Les mêmes causes entraînent les mêmes effets. Les campagnes ne bénéficient pas de la même intensité de sensibilisation que les villes. Ainsi, comme on sème moins en milieux ruraux, on récolte moins. Et si on n’agit pas vite, la situation deviendra difficile àgérer. Il faut donc orienter maintenant les actions vers les couvents dans les zones rurales pour toucher le grand monde.

Votre mot de fin

Au Bénin, il faut que nous soyons conscient de la féminisation du VIH/SIDA. Et pour en venir àbout, nous devons mener des actions concrètes contre cela. Ceci consiste àbriser les tabous sexuels, agir sur les facteurs socio-culturels qui favorisent l’infection, libérer la femme de la dépendance économique.

Colbert DOSSA

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