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ENTRETIEN AVEC LE DIRECTEUR GENERAL DE L’Agence de GESTION DE LA GRATUTE DE LA CESARIENNE : Pascal Dossou-Togbé rassure et dévoile ses priorités

lundi 6 avril 2009, par Dignité Féminine

Ce n’est plus une simple promesse mais désormais une réalité. Depuis quelques jours, la décision du docteur Boni Yayi de rendre gratuite la césarienne est rentrée dans sa phase active. Comme toute nouvelle démarche, cette mesure continue de susciter assez de polémiques. Pour le Directeur général en charge de la gestion de la gratuité de la césarienne, docteur Pascal Dossou-Togbé, les inquiétudes des uns et des autres sont légitimes et on devra en tirer des leçons, des enseignements pour mieux cerner les contours de l’initiative afin de mieux la gérer et la rendre pérenne. Ancien directeur adjoint de cabinet du ministère de la Santé, ancien secrétaire général du ministère et conseiller technique du même ministère, puis ancien directeur des hôpitaux, Pascal Dossou-Togbé, fort de ses expériences est conscient de l’ampleur de la mission àlui confiée.
Au détour d’un entretien qu’il a accordé àDignité Féminine, 72 heures après la mise en œuvre de la gratuité de la césarienne, il rassure le peuple béninois et dévoile ses priorités de l’heure. Il invite tous les acteurs àœuvrer pour la réussite et la pérennisation de la gratuité de la césarienne au Bénin.

72 heures, c’est trop tôt pour faire un point, mais que diriez-vous pour répondre aux pessimistes et àceux qui ne croient pas encore en la chose ?
Je vous remercie ; 72 heures, c’est peu, mais 72 heures, c’est beaucoup parce que durant cette période-là, il y a eu beaucoup de naissances dans notre pays. Il y a eu des naissances dans les centres hospitaliers qui assurent la prestation de césarienne. Donc, pour les cas de naissance où l’évolution a nécessité une césarienne, elle a été effectuée avec la nouvelle particularité qui est que le centre ne donne plus une ordonnance àla femme pour qu’elle achète des médicaments, mais le centre prend les médicaments dans la dotation de base que le gouvernement a mise àsa disposition puis réalise l’intervention chirurgicale. Et après, la femme est gardée en hospitalisation sans frais jusqu’àconcurrence de 100 mille francs CFA tel que le gouvernement a prévu, par césarienne. Et si nous prenons en compte les échos que nous avons eus, tout a bien démarré globalement. Personnellement, nous nous sommes rendu àla Clinique universitaire de gynécologie et d’obstétrique du CNHU, àl’hôpital de Sourou Léré àAkpakpa et àl’hôpital de zone de Sakété. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec le personnel, d’observer par nous-même la césarienne en cours, et de nous entretenir avec des césarisées et des parents des césarisées. Nous avons eu  l’occasion d’entendre des personnes bénéficiaires nous affirmer qu’elles n’ont pas versé un franc contrairement àceux qui ont eu besoin de césarienne la semaine d’avant.

D’aucuns parlent de subvention, d’autres de gratuité, vous l’affirmiez tantôt, c’est 100000 FCFA par cas de césarienne. Dans quelle mesure, pourrait-on être amené àdemander une contribution financière àla femme qui accouche ou àses parents ?
Il est très important de comprendre la terminologie de subvention. Une subvention, c’est un apport financier que l’Etat ou une organisation publique met àla disposition d’une structure privée pour exécuter des activités d’intérêt général. Cela signifie que si l’Etat met àla disposition d’une école de l’argent pour fonctionner, c’est une subvention de l’Etat àcette école. De même, si l’Etat met de l’argent àla disposition d’un hôpital pour faire des réparations d’équipement ou d’une construction, c’est une subvention qu’il met àla disposition de cet hôpital. Mais ici, l’Etat met àla disposition de la césarisée de l’argent pour couvrir les frais de césarienne. Cela signifie que la femme elle-même bénéficie de la césarienne sans débourser. Dès l’instant où je bénéficie de quelque chose sans débourser, c’est que j’ai bénéficié gratuitement de cette chose-là. C’est pourquoi il faut définir, de façon précise, le terme subvention et comprendre que la subvention va déboucher, comme résultat pour le bénéficiaire, sur le bénéfice gratuit, le bénéfice d’une prestation gratuite parce qu’il ne sort pas d’argent. Inutile d’opposer le terme subvention au terme gratuit.

Pour en venir àla notion de complément que vous évoquez, voyons ! Pourquoi ne prendra-t-on pas l’occasion de se demander comment procède quelqu’un qui fait les mêmes choses que soi en termes de prestation, procède pour dépenser plus ou moins que soi ? Il faut que je m’interroge. C’est maintenant que le gouvernement a pris cette décision-làque les boucliers sont levés et nous commençons par voir la différence de prix entre les différents centres de santé de notre pays. Et comme les gens ont commencé par poser le problème, nous allons les amener eux-mêmes àregarder de près la structure des prix qu’ils ont l’habitude de pratiquer pour que ceux d’entre eux qui étaient dans une structure de prix trop chère recherchent les modalités pratiques pour réduire le coà»t de leurs prestations. Et pour le moment, le forfait étant donné par l’Etat, les centres concernés étant des centres d’Etat, il est fondamental que les agents qui sont eux-mêmes payés par l’Etat utilisent la démarche des 100 mille francs pour soigner les femmes et, qu’àl’évaluation, l’Etat décide après s’il y aura modification ou s’il y aura maintien.

En termes clairs, voulez- vous dire qu’il n’est pas souhaitable que pour une raison ou une autre, une contribution soit demandée aux femmes actuellement ?
Oui, je crois que c’est un aspect qui mérite de ne pas retenir notre attention dans l’immédiat parce que nous risquons de laisser l’essentiel pour nous fatiguer par rapport àces montants qui ne représentent pas les éléments capitaux. Il ne faut pas nous époumoner par rapport aux montants parce que, dans le même pays, il y a des centres où le coà»t est de 50 mille francs, il y a aussi des endroits où le coà»t est de 55 mille, voire 200 mille francs et plus. Et qu’est-ce que l’Etat va faire ? Il ne va pas payer 200 mille ici et payer 50 mille là, non, l’Etat donne plutôt un montant standard et c’est sur ce standard qu’il faut qu’on fonctionne. Maintenant, l’Etat va traiter avec ses fonctionnaires qui sont dans les hôpitaux pour qu’ils sachent exactement comment se comporter vis àvis des femmes bénéficiaires de la gratuité de la césarienne.

Déjàdes gens doutent de la pérennité de la gratuité, que pouvez-vous répondre ?
Oui, quelqu’un a dit qu’au début de toute réalisation il y a toujours des inquiétudes. Parce qu’ils sont inquiets, c’est très bon. Nous sommes tous, eux et nous, engagés pour gagner ce pari-là. C’est pourquoi, nous ferons tout pour que cela devienne une activité pérenne dans notre pays. Et pour y parvenir, l’agence aura un conseil d’administration qui prendra les décisions en ce qui concerne sa politique générale de développement, son plan d’action et son budget pour avancer. A l’intérieur de l’agence même, il y aura des directeurs. Les directeurs autour du DG vont former le comité de direction. Ce comité de direction va être l’agence de management au quotidien. Les activités de suivi-évaluation vont permettre de faire les réajustements au fur et àmesure, et ainsi, nous aurons la possibilité de faire un compte rendu régulier au gouvernement pour avoir la possibilité d’une inscription au budget national dans le vote de la loi des finances àchaque fin d’année. Nous aurons ainsi la durabilité de cette initiative pour le bonheur de la population tout entière.

Vous venez fraîchement d’être nommé au poste de directeur général de la gestion de la gratuité de la césarienne, quelles sont vos priorités ?
Nous ferons tout pour que les centres qui ont commencé par investir de leurs stocks pour faire des césariennes gratuites recouvrent leurs fonds et sentent effectivement que c’est une activité qui doit se poursuivre. Et nous les aurons en conséquence comme modèles pour pouvoir parler et faire parler de l’initiative de manière àla rendre durable.
La deuxième priorité, c’est l’organisation d’échanges entre les équipes dirigeantes des hôpitaux offrant la césarienne gratuite. Cela permettra de faire un apprentissage naturel pour que les bonnes pratiques des uns soient utilisées par les autres dans la suite de leurs activités.
La troisième activité consiste en la communication méthodique pour que toutes les couches de la population comprennent l’intérêt de l’initiative prise par le gouvernement.

De façon particulière qui sont les personnes qui bénéficient de la gratuité de la césarienne ? Ce sont les femmes. Il y aura des mesures ciblées sur les femmes pour leur passer le message de manière àles informer, les conscientiser, les sensibiliser, les motiver et les mobiliser pour qu’elles portent sur elles la charge du développement de la gent féminine et qu’elles permettent de montrer àla face du monde que le Bénin a pris l’option de la gratuité de la césarienne et réussit dans cette option.

Peut-on estimer le nombre de décès maternels que cette décision de gratuité prise par le chef de l’Etat fera éviter ?
C’est difficile de donner un nombre précis parce que, du fait que cette possibilité était inexistante, il y avait beaucoup de décès maternels silencieux non déclarés. Du fait que nous n’avions pas ces déclarations, nous ne pouvions pas les mentionner dans nos statistiques. Par exemple, une femme vient en consultation, le personnel l’examine, la consulte et on constate qu’il lui faut une césarienne ; mais par défaut de moyens financiers, elle retourne àla maison et mort s’ensuit. La déclaration n’est pas faite dans une mairie ni dans un centre de santé. Tous ces cas de personnes qui étaient obligées de retourner àla maison àdéfaut de soutien financier, vont être sauvés parce que maintenant, le gouvernement paye pour les césariennes.

En tant que médecin de formation, dites-nous ce qui conduit très souvent les femmes àla césarienne ?
Les raisons pour faire la césarienne sont nombreuses. Il y a des raisons qui sont antérieures àla grossesse ; ces raisons concernent l’état de la femme elle-même.

Il y a des raisons qui surviennent pendant le travail d’accouchement ; ces raisons peuvent être les unes relatives àla femme, les autres relatives aux techniques. Pour les raisons antérieures àla survenue de la grossesse, il y a des femmes qui sont de taille courte. Ces femmes ont un petit bassin et le fœtus ne peut pas traverser un bassin rétréci. Il faut, en conséquence, recourir àla césarienne pour sauver et la mère et l’enfant. Il y a également des femmes qui présentent une pathologie cardiaque d’une certaine envergure et ne peuvent pas supporter l’épreuve du travail d’accouchement. Pour ces cas, le cardiologue recommande que l’on sauve la mère et l’enfant en procédant àla césarienne.

Pour les raisons qui surviennent pendant le travail d’accouchement, il y a des cas où c’est l’utérus même qui ne se contracte pas de façon efficace pour faire progresser le fœtus vers la vulve. Dans ces conditions, si l’on ne sort pas l’enfant par le haut, il y a le risque que l’enfant souffre et meure, et pour cette raison on fait aussi la césarienne.

Il y a d’autres cas où c’est plutôt l’enfant lui-même qui commence par présenter des signes de souffrance fœtale et il faut aller le sortir, sinon, il va mourir.

Il existe également certaines pathologies àcause desquelles il faut plutôt faire la césarienne, des pathologies liées au sang. De façon ramassée, voilàcomment je pourrais présenter les différents contextes dans lesquels le gynécologue accoucheur décide de faire une césarienne.

Dr Pascal Dossou-Togbé, directeur de la toute nouvelle agence de la gestion de la gratuité de la césarienne, quels sont vos sentiments après votre nomination ?
Je me dis que la dimension de la responsabilité montre la charge. Et si en faisant une telle illustration, nous pensions que la responsabilité était une charge que nous devons mettre sur la tête, je dirai que le diamètre du coussinet est si grand que j’ai l’obligation de puiser dans le pragmatisme, d’écouter attentivement, de veiller àl’ensemble des éléments contenus dans la politique du gouvernement en matière de gratuité de la césarienne.

J’ai besoin de m’associer àtous ceux qui sont actifs en tant que professionnels de la santé exerçant en matière de suivi de la mère et de l’enfant, j’ai besoin de l’appui des femmes qui sont les personnes qui portent la grossesse et qui souffrent de travail de l’accouchement, de la douleur de la césarienne, j’ai besoin de m’associer aux maris, aux pères qui accompagnent moralement, financièrement leurs femmes et leurs enfants. J’espère que si le Seigneur me donne la sagesse de respecter ces aspects, nous allons traverser avec brio l’épreuve du développement de la gratuité de la césarienne au Bénin.

Propos recueillis par

Honorine Hounnonkpè Attikpa

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