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Opinion : Esclave tu es… esclave tu demeureras ?
lundi 30 mars 2009, par
Grave question que celle-là que je pose ce jour à mes sœurs béninoises. Et je sais que toutes, autant que nous sommes, nous répondrons par la négative.
Car qui veut demeurer l’esclave de quelqu’un ? Certainement pas les braves femmes de ce pays, dont les ancêtres furent des amazones redoutables combattant en première ligne contre les adversaires du roi Ghézo.
La condition d’esclave est un fait avéré dans certains pays du monde même de notre continent hélas, et ce, jusqu’à ce jour. «  Chez nous, chaque famille a son esclave  », m’a avoué une belle sÅ“ur nigérienne. On les retrouve à l’Est, l’Ouest, au Nord, au Sud…. de notre pays, à Koni, Filengué, Dosso, l’Air…chez les Peulhs, les Soundjé, même chez les Zerma. Il existe encore des esclaves à Niamey, en pleine ville, tu sais  ».
Esclaves d’Afrique
Je n’en croyais pas mes oreilles. Des esclaves en pleine ville et pratiquement dans tout le Niger ! Il fallait m’assurer de la véracité de pareils propos. L’Internet était mon sésame. Et j’ai lu que 6 régions sur 8 au Niger font encore de la traite esclavagiste. Le phénomène atteint plus de 800 mille victimes. En quel siècle vivons-nous ? Au 21è siècle, on trouve encore des esclaves au Niger, au Soudan, en Mauritanie ! « Incroyable mais vrai. Les femmes pilent le mil et mangent le son  », m’a encore révélé mon interlocutrice. Des sous-hommes en quelque sorte. Des citoyens de seconde zone. Mais l’une d’entre elles, un jour a décidé de quitter ce joug oppresseur afin de devenir une personne libre. Elle porte plainte contre son Etat qui a voté une loi mais ne l’applique pas, à la CEDEAO. Hadizatou Mani, c’est son nom après dix années d’esclavage avait décidé d’en finir avec son statut de dominée, de bête de somme. Non seulement, elle se faisait exploiter par son maître comme objet de production, mais elle tamisait sa couche et il tirait son plaisir en satisfaisant sa libido jusqu’à en obtenir deux enfants. Elle avait douze ans quand elle a été faite esclave. Après dix ans d’un pareil traitement, Hadizatou Mani a décidé de ne plus demeurer esclave. Son acte de courage a été salué par le monde entier. Les Etats-Unis ont décidé de lui décerner le prix du courage féminin cette année. Elle l’a reçu des mains de deux grandes dames américaines : Mme Michelle Obama et Hilary Clinton le 11 mars.
«  On m’a négociée comme une chèvre  » pour le prix de 500 dollars…C’était la seule façon d’empêcher que mon enfant subisse le même sort que moi. Personne ne mérite d’être esclave. Nous sommes tous égaux et nous méritons d’être traités de la même façon…Aucune femme ne doit souffrir de la même façon que moi.  »
Esclaves d’Europe
Le sort d’ Hadiza, ma sœur nigérienne, est-il plus grave que celui d’Elisabeth l’Autrichienne, que son père Josef Fritzel avait séquestrée dans sa cave 24 ans durant, et commis l’inceste avec elle chaque jour que le soleil se levait et se couchait, jusqu’à tirer sept enfants de ses entrailles. L’immonde bête ! Un monstre qu’il aurait fallu décapiter sur-le-champ le jour de son arrestation, au lieu de lui réserver un procès équitable, comme cela se passe dans les pays civilisés, pour des personnes civilisées. Même les criminels comme lui connaissent la honte puisque l’immonde bête, le premier jour de sa présentation au tribunal se cachait le visage derrière un énorme classeur. Et personne ne pouvait lui ôter ce paravent des yeux ! Pendant qu’il accomplissait son forfait tous les matins, tous les soirs, prenait-il la peine de se couvrir le visage ? Etait-il gêné de commettre l’inceste avec sa fille aînée pendant que ses fils, que dis-je, ses petits-fils mangeaient à côté, dormaient ou regardaient peut-être cette scène cauchemardesque ? Une cave est si petite, si obscure… La preuve, trois des enfants n’ont jamais vu la lumière du soleil avant le jour de leur libération.
Elisabeth, ma sÅ“ur, comment as-tu pu accepter ce traitement de la part de ton propre père ? Les cyniques répondront qu’elle avait fini par y prendre goà »t. Non, se résigner plutôt. Esclave tu es, esclave tu demeureras ? Heureusement que Yahvé, Mahu, Dieu le miséricordieux a eu pitié de ces âmes innocentes que sont tes enfants et vous a tous libérés.
Qu’il paie pour ses crimes, Josef, le monstre hideux ! Peu importe ce qu’a prévu le code pénal autrichien. On ne peut réaliser pareille ignominie et être libéré après seulement 15 ans d’incarcération, prétextant des lois imprécises rédigées par les humains dans le cas d’espèce. Sauf s’il est tenu responsable de la mort de l’un de ses enfants par manque de soins à sa naissance. Qui donc est responsable de la mort de l’enfant, si ce n’est ce père, grand-père immonde, qui a privé de lumière ces pauvres créatures, qui a privé de liberté sa propre fille 24 ans durant, racontant à qui veut l’entendre, même à sa propre épouse qu’elle avait quitté la région pour aller s’installer ailleurs.
Elles sont nombreuses les esclaves à travers le monde. Surtout des femmes ; toujours les femmes. Qu’avons-nous fait pour mériter pareil sort ? Taillables et corvéables à merci. Battues à longueur d’année. Comme l’a si bien souligné une dame du ministère de la Justice à l’occasion du 8 mars : «  Il y en a pour qui la vie se résume en gifles au petit déjeuner, gifles au déjeuner, au dîner  ». De véritables esclaves qui acceptent leur sort sans sourciller. Esclaves elles sont, esclaves elles demeureront ? Non ! Non et non !
Il urge que les choses changent. Et je reprends ici les propos de la justiciable. «  Que les femmes dénoncent leurs tortionnaires, afin que justice soit faite…  » Au lieu de jouer aux martyres, d’accepter leur sort sans rechigner, les femmes doivent se résoudre, à l’instar d’Hadizatou Mani, à faire bouger les choses, pour « qu’aucune ne souffre plus de la même façon que moi  », a-t-elle dit face à la presse, à Washington. Des actions du genre à l’endroit de nos sÅ“urs qui ploient sous le joug de maris tyrans, véritables despotes se croyant possesseurs du corps et de l’esprit de leurs compagnes devraient être inscrites au programme du 8 mars.
La journée du 8 mars
A l’instar des femmes du ministère de l’Urbanisme, qui ont apporté une touche spéciale à cette journée du 8 mars, en allant porter des Kit de césarienne à l’HOMEL, en uniforme s’il vous plaît, je voudrais demander à mes sœurs béninoises, encore une fois, de revoir leur copie.
Je me suis toujours interrogée sur cette nouvelle mode de l’uniforme dans nos ministères et services publics. Il y a un an, j’avais déjà posé la question à mes sÅ“urs et à tout notre peuple. Sans vouloir faire de la morale à qui que ce soit, je me sens vraiment mal à l’aise lors de cette «  semaine festive des femmes du Bénin  ». Et je ne suis pas la seule. Beaucoup de Béninoises sont indignées. Les hommes alors s’en moquent allègrement. Il n’y a qu’à lire les titres des journaux parus au lendemain de notre journée internationale : «  8 mars ou semaine festive des femmes du Bénin, par Charlemagne WADIA, dans sa chronique Ce que je crois, paru dans le journal La Nouvelle Génération : «  Au Bénin, les femmes n’ont pas été du reste face à ce jour qui leur est consacré. Toute la semaine écoulée, elles n’ont pas manqué ce rendez-vous de l’histoire. Là où le bât blesse au Bénin, c’est que les femmes sont totalement passées à côté des principes fondamentaux et des idéaux de cette journée…  ». Et de nous dicter notre conduite en une journée aussi symbolique, célébrée par toutes les femmes du monde, pour rendre hommage à celles-là qui, au prix de leur vie, ont rejeté l’esclavage qu’elles subissaient dans les usines textiles américaines ». « 90 ans de lutte pour l’égalité, la justice, la paix et le développement  », nous rappelle l’auteur de la chronique dans La Nouvelle Génération du lundi 16 mars 2009.
L’Institut de la femme béninoise
Il urge que l’Institut de la femme s’empare de ce dossier afin de nous proposer une feuille de route, pour la célébration de cette journée si importante aux yeux de la communauté internationale, journée destinée à faire un bilan sur la place qu’occupe réellement la femme dans sa communauté et dans le monde.
Pour finir, je voudrais inviter les membres du Comité national d’orientation de l’Institut offert par le président Boni Yayi à s’imprégner des documents déjà réalisés par les différents ministres passés par le ministère de la Famille. C’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle. Et la promotion de la femme au Bénin est un vieux dossier qu’on remet à l’ordre du jour. C’est bien mais une table rase ne fera que nous faire piétiner comme par le passé. Les archives existent dans ce ministère. Certains cadres ont été de tout temps aux postes de commandement.
En Aoà »t 2001, Claire Houngan Ayémonna (Préface) et Ramatou Baba Moussa (Avant propos) ont réalisé avec les cadres de ce ministère un document intitulé ‘’Politique Nationale de Promotion de la Femme. L’état des lieux s’y trouve ; il s’agira de l’actualiser. Il ne s’agit plus de théoriser en vain, mais d’appliquer effectivement toutes ces belles propositions faites en son temps par l’équipe de Claire H. Ayémonna. Car comme elle le dit si bien dans la conclusion de sa préface : «  Une politique n’a de valeur que par les actions, les activités et programmes qu’elle suscite  ». Il s’agira de donner des moyens matériels et conséquents aux femmes, des ressources humaines, capables effectivement de porter loin l’espoir de tout un genre, à travers leur contribution au succès de l’entreprise, afin que l’Institut de la femme, ce beau cadeau de notre président, offert à toutes les femmes du Bénin, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, présente en l’an 1 de son anniversaire déjà des réalisations concrètes.
« Que les femmes elles-mêmes n’enterrent pas le beau bébé qui vient de naître, en ne lui donnant qu’un aspect folklorique, comme vous en avez l’habitude  », m’a jeté au visage un collègue. Ne lui donnons pas raison, ni à tous ces hommes qui attendent de voir…. Je conclus en disant que les politiques ne valent que par les Hommes -donc ici les femmes chargées- de les diriger. Des femmes à la tête bien faite, pragmatiques, et qui ont fait leurs preuves ; capables de gérer les divers domaines sectoriels de cet Institut, le pays en regorge. Peu importe leur origine, leur bord politique si elles en ont. Que les médias arrêtent de nous indexer une femme cadre de Toffo ou d’un autre coin du pays promu. On, s’en f…royalement. Une femme a été promue. Tout le genre s’en félicite. Nous sommes toutes des Béninoises et c’est ce qui est à retenir.
Longue vie à l’Institut de la femme béninoise !
Adélaïde FASSINOU – ALLAGBADA
Professeur de Lettres- Ecrivain.